On émerge en douceur, même si la chambre pue le foie et le pet. Dans le salon on réveille Zia qui dort sur le canap. Il y a eu de l’agitation jusqu'à tard dans la Lodge, occupé par le feu elle s’est couchée à 5am, là il est 11am, temps pour nous de préparer la journée. Prête tout de suite, Zia prend notre carte et nous souligne les endroits sur la route ou il faudrait s’arrêter. Elle nous conseille de dormir au Hot Springs dans le désert de l’autre côté du parc. Puis demain, la traversée de la Death Valley. Finalement Blakely, sa grande pote qui l’a même introduit ici, a emmené Christian loin, probablement à Los Angeles, pour qu’il reparte sur un nouvel élan. C’est pas la première fois qu’il se fait virer d’un job. Même si Zia nous invite à rester une journée de plus, on a pris notre décision, on abandonne l’escalade et la belle d’hier soir, on va laisser ce petit coin de paradis tranquille. Les gens vont forcément rester gênés par l’événement. Puis une nuit dans la voiture dans le désert, sa parait cool aussi, les deux cuites d’affilée nous ont fatigué, on était plus habitué à boire nous autres. Le crane tape, on va se servir un café chaud et fume la roulé d’après cuite, si double tranchante. Fred arrive. Il doit aller bosser et nous fais un gros câlin, nous dit de revenir quand on le souhaite, comme à des amis, puis part sur le petit chemin de gravier. Drôle de type, vivant qu’au présent dans son nid de montagne, accueillant au hasard deux petits couchsurfeurs français dans son palace vert en les plaçant au centre de sa famille. Belle rencontre, pleine d’humilité et de calme mouvementé. On passe le temps assis sur les fauteuils en bois de Zia, regardant à l’ombre le soleil brulant filtré à travers les arbres géants. Edgard part prendre des photos de l’endroit paradisiaque, manque de bol il en a pris qu’en noir et blanc et je déteste ça. Il faut voir les couleurs d’automne des cabanes, leurs murs de bois récent mais déjà abimé par les hivers rudes, les masses d’aiguilles de sous forets qui maculent les chemins et les toits vert foncé qui rappelle les jouets de grands-parents, l’ouest des états unis, le Yosemite, l’Evergreen loge de vert infini. Après l’énorme claque de San Francisco, on se demande comment va-t-on sortir de ce voyage.
Paula et la troisième coloc continuent à s’enfumer le crane dans leurs chambres, on squatte le pc de Zia pour regarder nos options sur Vegas. Aucun couchsurfeur n’a répondu, c’est sûr que ça doit pas être l’optique de la ville, bien que Paula nous supplie de l’y emmener. Edg prend la direction d’un hôtel qu’il a trouvé sur le routard, on se décide à payer notre amende de SF même si les filles nous conseillent de laisser courir, moi aussi je ferai le mort, mais Edg veut pas risquer. Soit, après un presque retour direct à la case départ, ça se comprend de ne pas vouloir fucké with the law. Zia me tend un gros atlas routier, elle en a un deuxième et veut nous donner celui-là. Je sais pas pourquoi je refuse, encore une fois de la générosité mal conduite qui nous enlève un objet qui aurait pu devenir culturel pour la voiture, mais je suis trop gentil, non, timide enfaite. Ici je sens que sa peut se dissiper. Blakely ne rentrera qu’en fin d’après-midi, on pourra pas lui dire au revoir ni lui acheter le passe annuel qu’elle a en double. On fait un gros câlin a notre auto-désigné maman, même si ça en est presque agaçant, elle s’apprête à aller bosser et part. Dans notre Cavalier, chargé, on quitte l’Evergreen Lodge par la route effrayante qu’on a emprunté deux petits jours plus tôt. Je reviendrai, aussi.
C’est trop drôle de conduire vite sur cette route étroite en montagne russe, avec la taille des gros 4x4 contents de trouver la nature, faudrait ne pas croiser dans un sal endroit. On s’arrête à Crane Flat pour racheter de la dinde lambeaux, pisser, une petite goute d’essence, et on continue sur la Tioga Pass Road qui traverse le Park et sort à son ouest. Edgard prend le volant, je roule l’American Spirit et on écoute les Beatles dans cette forêt immense. On s’arrête derrière deux gros camping-cars, sur le bord de la route, pour manger une pomme sur les berges arborisées d’un lac à la limite du marécageux. Elles sont bien moins horribles quand elles sont lavées, même si y’a toujours un petit gout de bonbon. Zia nous a conseillé d’aller voir un lac mais seulement si le chemin est ouvert aux voitures, autrement ça serait trop long. On se gare au petit parking au bord de la route, la barrière est fermée. Je vais demander à deux vieux américains bourrus qui boivent une bière assise sur leur coffre de pick-up. Ils se foutent de ma gueule, je le sens, mais ils m’annoncent que l’aller met deux heures, donc 4 en tout. Il a peut-être été dénigreur mais même si on fume tous les deux on peut être vraiment rapide, plus que si ces vieux anciens mettaient leurs gros culs pleins de bière sur un télésiège. Il est 2 :30pm, c’est jouable. J’ai bien envie de faire un vrai petit effort, j’annonce trois petites heures à Edg, pour qu’il accepte. Technique du père. Junk bouffe dans les casiers en métal, on part sous les ricanements des vieux beaufs.
Le chemin goudronné est plat, c’est vrai que de le faire en voiture aurait pas été du luxe. Des grands bancs de neige qui n’ont pas encore fondu coulent sur la route. À des endroits, la rivière sur le côté inonde le flanc du chemin, des petites sources sortent toutes seules du sol et l’herbe encore verte ondule sous ces flots de neige hivernale. Y’a vraiment de l’eau de partout dans ce Park. C’est pas Roland qui a taillé ces dômes rocheux et plats. Une petite heure plus tard on arrive au présumé parking, y’a une cabane de sanitaire et deux vieux qui se reposent. On commence par s’emboucher sur le mauvais chemin, puis peu sur on va demander aux vieux. Des gros bourges qui puent la transpi, mais ils sont chaleureux et nous recommandent d’y aller, parait-il c’est magnifique. Ça tombe bien. La lady attendait enfaite qu’on parte pour s’engouffrer dans le cabanon et chier un bon bronze. Faut pas qu’elle ait honte, le mobilier semble toujours bien entretenu. On monte enfin, petit chemin pierreux au milieu des arbres, bien indiqué. La vue sur des montagnes lointaines s’ouvre, c’est si immense. On peut voir des monts enneigés de partout, mais ils sont immensément loin, rien à voir avec nos vallées étroites et nos pics pointus. Là, c’est l’infini qui s’étend, de plaines rocheuses et d’arbres. Après une demi-heure sur ce chemin pas dur, on voit un panneau indiquant le lac, et son aire de camping sous autorisation.
Les montagnes autour sont encore pleines de neige, l’eau en est parfaitement pur et fait voir à la fois le fond du lac jusqu'à très loin et les alentours magnifiquement boisé, haut perché et sauvage. On se sépare, Edg s’assoit, prend des photos et se repose. J’enlève mes grosses chaussures de marche, elles m’auront finalement servie, et je trempe mes pieds un tout petit peu fatigué mais surtout trempé de sueurs dans l’eau glacée. J’avais envisagé d’y rester plus que ça mais laisser mes pieds est suffisamment douloureux. Je parle a un pépé, il raconte qu’il adore emmener ses petits enfants dans des lieux comme ça, c’est important pour eux, c’est cool, mais il se met ensuite à partir sur un refrain beaucoup trop conservateur où il parle fort et mal des jeunes qui ont pas la chance de voir ça, je dis rien et m’écarte en souhaitant une bonne journée. Un peu plus dans la forêt, je regarde les lieux et entends une petite voix de je ne sais pas où, « Wonderful right ? » je me retourne en faisant une tête bizarre, une petite vieille s’excuse d’avoir dérangé ma méditation. Elle est toute maigre, a de grandes rides mais un visage naturel et heureux, plus intéressant que le vieux beauf, je lance la conversation, français blabla, elle est ici pour camper et photographier les étoiles. C’est le meilleur moment de l’année, et c’est suffisamment perdu pour qu’il n’y ait aucune lumière parasite à des miles. Il faut un permis pour camper ici, qu’elle possède. Elle n’a pas réussi à aller plus loin à cause de la petite rivière qui descend solitairement dans la vallée. Elle m’emmène voir l’endroit, il faut sauter sur deux cailloux et une planche de bois, je le fais en rigolant mais elle n’a pas assez d’équilibre et de confiance. Pour voir, elle est passée sans ses chaussures. Elle a 64 ans, comme la chanson des Beatles. Le pépé débarque et se met à lui parler, peut être même à lui rentrer dedans maladroitement, je ne comprends pas tout mais ne cherche pas, le décor est tellement apaisant. Edgard arrive et commence à parler photos avec la vieille pendant que le pépé se croit envahi et part rejoindre ses marmots. Une famille arrive corde autour de l’épaule. Les deux jeunes filles ont gravi la montagne juste au-dessus avec le papa, et dès que la mère qui a attendu au lac nous entend parler dans notre langue, elle se croit sur la croisette et se met à dire toutes les conneries qu’elle connaît en français, avec un accent de pouffie particulièrement bon. Le reste de la famille ne sait pas trop ou se mettre, quand elle n’a plus rien à dire et finit le show qu’elle se faisait, grand blanc, ils nous souhaitent une bonne journée et s’en vont. La jeune mamie nous propose d’aller s’assoir près de son campement. Elle parle longuement avec Edgard, elle connaît le mec qui a pris la photo du pass annuel des parks américains qui vient de nous couter 80 boulles. C’était un concours (donc sans redevance ?) et ça a été pris dans le Main. Pendant ce temps je saute de tronc en tronc, espérant aller le plus loin possible, je m’amuse comme un gamin. La mamie me dit même que je suis athlétique. Je ne sais pas comment Edgard peut partir dans des conversations comme ça, mais il en vient à s’interroger à la conversion des kilos en leurs unités bizarres, Mamie sait très bien, un kilo est le maximum de weed qu’elle ait acheté. Je m’arrête de sauter. Quoi ? Elle a habité Haight Ashberry dans les 60’s, c’était la voisine de Neil Young, elle voyait Janis Joplin jouer devant chez elles tous les jours, rassemblement sous l’acide du Golden Gate Park, elle a vécu. Le summer of Love, bordel, l’authentique. Maintenant elle vit à Oakland, la presqu’ile est maintenant bien trop chère pour les hippies n’étant pas devenus riches. Elle adore toujours fumer. Son fils produit beaucoup, et par exemple, il a voté non au referendum concernant la légalisation totale de la ganja de ce printemps. C’est assez facile pour pouvoir fumer beaucoup et en paix, pas besoin d’aller trop loin et de voir le truc partir en couille. Super mamie hippie, elle est trop mimi, elle nous propose des cacahuètes et fruits secs que tout le monde mange ici, je m’assois pour parler avec cette relique de l’époque dans le lieu le plus formidable du monde. Ce que je donnerai pour remonter à cette période, pleine de promesses d’amour et de compréhension de tout. On se pose la question de feinter et de dormir là, mais la voiture est en bas, pas de permis pour nous, on va rentrer sagement. Sa aurait été génial de fumer notre dernier spliff avec elle. On aurait pu durant cette heure, mais il devient temps de redescendre. On n’est pas sorti du park et la description pour trouver les sources chaudes, non indiquées, parait pas facile. On doit tourner après une église verte sur le bord de la route. On doit donc en repérer la couleur, il faut que ça soit de jour. Ça aura été une rencontre passionnante, comme toujours dans ce pays de fou, et celle-là, elle sera pas sur Facebook. On lui souhaite bonne chance, le ciel est toujours bleu immaculé, ça devrait être bon pour ses étoiles. Remise des chaussures et redescente en courant.
On aura le temps de rien faire d’autre, mais faire la course en descendant un bois parsemé de rochers et de mousse, face à cette Sierra Nevada gigantesque, ça donne envie de vivre. On court un peu sur le chemin plant et goudronné et on arrive rapidement à la voiture. 5pm, pas si mal ! On continue la route vers la Tioga Pass, avec le cd de TV on the Radio. On passe dans un autre endroit touristique, la Tulomune Valley, mais pas le temps de s’arrêter. Il n’y a plus que la route sous musique, l’American Spirit et les arbres du Yosemite. Malheureusement il y a aussi le compteur de vitesse et la voiture de rangers garée derrière les arbres. La voiture nous file, on fout nos clopes qui ressemblent à des joints dans le cendrier, quand c’est propice la police s’éclaire. C’est fascinant toutes ces lumières et ces bruits de voitures de flics, on dirait les jouets d’enfants. Heureusement c’est Edgard qui avait le volant. Le flic est tout seul, il vient s’accouder à la fenêtre de la voiture et nous fait remarque qu’on était à 42 miles par heures au lieu de 35. On y comprend rien à ces vitesses, mais de toute façon il faut toujours répondre oui, Edg sort pour montrer tous ses papiers. Finalement on a vraiment bien fait de faire tout comme il faut, ces connards on l’air capable de tout. Et Edg n’a toujours pas envie de rentrer tout de suite. Finalement le flic nous conseille de faire gaffe et nous laisse partir sans rien. Ça donne cette impression, si t’as de quoi jouer le jeu et que tu apportes truc original, tous se passent bien. Payer deux tickets dans la même journée aurait été ruinant. On roule plus prudemment pendant que le soleil décline. On s’arrête devant un profond canyon, il descend en pente rocheuse, on ne voit pas son fond, mais selon la carte c’est le départ de la grandiose Yosemite Valley. Y’a donc pleins de monde arrêté là mais ça vaut le coup. On prend des photos et se remet à rouler. Plus loin, le soleil rase les sommets immenses et enneigés, un grand lac glaciaire, des panneaux annonçant les 10 000 pieds, c’est ici le nouveau paradis. La route se met à descendre, elle fait des courbes impressionnantes sur les longs flancs de la vallée. La Tioga Pass, qui vient d’ouvrir aux véhicules depuis trois jours. On a de la chance. Zia nous avait prévenus qu’elle préférait l’ouest du Park, mais des décors de cette envergure ne peuvent que couper le souffle. On voit le massif mourir dans un plain désertique autour d’un immense lac qu’on pourrait prendre pour un immense mirage. Au long de ces majestueuses courbes, les montagnes du Yosemite laissent place au désert coincé entre la chaine de la Sierra Nevada et une immense barre de montagne rouge de l’autre côté, le désert du grand ouest.
Enfin sur un terrain plat, on pose la voiture au fond du parking d’une hyper station-service. On espère manger dedans mais tout est à 15$ le menu, y’a des gens de partout, c’est l’angoisse américaine qui régurgite sous ces décors somptueux et improbable ; fait de montagnes vertes et hautes, de monts désertiques rouges et du lac désertique, tellement salé qu’aucun poisson n’y vit dedans. Le soleil est depuis un moment caché derrière les murailles de montagnes de l’ouest. On achète des bières et du pain de mie, plus les espèces de bâtons de viande séchée qui sont de partout. Faut bien tester les trucs typiques, et avec un peu de chance sa ressemble au saucisson. Erreur, c’est mixé avec du brown sugar, Edg a voulu prendre celui au poivre, même avec la bouche pleine de pain de mie c’est pas bon. Heureusement qu’on a les bières. On part vite pour pouvoir repérer l’église verte. Fresno droite, Los Angeles gauche. Au bout de dix minutes, une route appelée « June Lake Loop » part dans les contre flancs des sommets enneigés qui semblent s’étendre jusqu’au Mexique. C’est marrant ce concept de boucle qui rajoute du temps et des paysages pour les touristes en voiture, et c’est appartement assez fréquent. Zia nous avait conseillé de la prendre, on glandera pas trop, juste regarder le paysage sous le coucher de soleil. Et puis si on voit une église marron ça sera pas grave. Les Rolling Stones et leur Exile on Main Streets crie alors qu’on prend une route qui longe un grand lac. Le soleil est doux, le monde est violet. Thank you for your wine, California, Thank you for your sweet and bitter fruits. Yes I got the desert in my toenail, And I hid the speed inside my shoe.
But come on, come on down Sweet Virginia, Come on, honey child, I beg of you. I want you to come on, come on down, you got it in you. Got to scrape the shit right off you shoes.
Somptueux. Une fois le lac passé, on alterne entre la longe des falaises immenses, autres lacs, forêts indéfinissables, villages typiques touristiques, le tout sous et avec des vues du coucher magistral de soleil. Aucune importance du détour fait, c’était le plus beau moment de voiture possible. On récupère la Three Flags Highway direction sud. Un petit quart d’heure plus tard, alors presque dans l’obscurité complète, on voit une cabane verte ou violette bariolée de croix, au milieu de nulle part. Maintenant il faut toujours prendre à gauche.
Un chemin de terre ? Elle avait l’air de dire que c’était pas tout facile, allez va. On peut croiser deux autres voitures facilement, mais il est fait de minuscules petits rebonds qui font violemment vibrer la voiture et sauter le poste dès qu’on dépasse les 15 miles à l’heure. Au bout d’un quart d’heure il fait définitivement noir et rien ne change, toujours tous droit et le même chemin. On décide que l’on c’est trompé et fait demi-tour pour reprendre la route goudronnée. On ne voit plus rien, la route est droite et on l’imagine tracer dans le désert, à l’est. Il fait froid dehors. 10 minutes après avoir roulé à une vraie vitesse on reprend à gauche. L’exact même type de chemin dégueu apparait au bout de quelques mètres. On se décide d’aller voir quand même puis au bout d’un autre quart d’heure, on s’arrête sur le bord de la route et décidons de dormir ici. Y’a rien de nouveau sur ce chemin et rien pour se laver les pieds mais on y sera bien quand même.
Bascule de la voiture en Camping Car. Ici aussi on peut vraiment voir les étoiles en dormant. On roule le dernier joint de la weed de la junkie, grosse bière à la gloire de Staline et le CD que le mec a laissé dans sa voiture. Ouverture avec la reprise d’union de Sting par les Black Eyed Peas, Edg en est trop content. Ça me fait un p'tit quelque chose, quoi, j’ai gravé une trentaine de CD et cette chanson elle y est pas parce qu’elle est pas bonne, mais j’imagine que c’est cool d’avoir la musique d’un autochtone, c’est authentique. De toute façon sa part vite en électro R’n B vraiment dégueulasse, on arrête le poste et sort pour fumer dehors. Les yeux habitués au noir, on voit au loin les montagnes blanches, les étoiles brillent plus que des lampadaires et la pleine lune nous fait voir une infime partie de l’étendue désertique dans laquelle notre voiture est garée, au milieu de rien, loin de la route. Un bruit de moteur, des phares, vite Edg planque le oinj et on essaye de se camoufler sous les serviettes de bain qu’on a sortis pour se réchauffer. On doit avoir l’air sacrément con, les mecs s’arrêtent quand même, j’imagine que c’est la règle de base quand on voit une voiture garée à la zeub au milieu de n’importe où. Je m’y jette, quatre vieux jeunes me demandent si on a besoin d’aide. Je demande la direction des Hot Springs, il m’explique un truc tellement long que même sans avoir fumé et avec un accent correct j’aurais pas compris. Ils ont la casquette et chemise des mecs de la terre et ont l’air pétés à la bud. Je chope quand même la direction, ça doit être à gauche, toujours. Quand ils apprennent qu’on est français ils remettent le contact et font des bruits d’animaux et des blagues qui ont l’air hilarantes. Ils repartent à fond dans leur 4x4, sur cette route nikée. Edg a planqué le pétard sous le pneu, il en ressort plein de sable. Une fois fini, on rentre se coucher sans toucher à la deuxième bière.
Edg essaie de me questionner sur mon désir de rester gamin. J’ai pas envie d’en parler, même s’il est encore tôt et que c’est le lieu de se livrer, j’essaie de ne pas trop réfléchir sur moi. À quoi sa servirai ? Je m’amuse bien comme ça, et les élans philosophiques de Edgard, même si ils sont presque toujours bien sentis, ne m’ont jamais rendu fou. Je pense assez similairement, donc je comprends, mais ne raffole pas de le voir étaler. Je me fous de sa gueule en parlant de problèmes de pipi au lit ou d’autres sujets aussi profonds, ça l’énerve, c’est pas drôle, mais j’en ris. Puis après neuf jours de vie en civilisation où j’ai dû à tout moment retenir mes gaz, ce soir c’est le grand soir. Je lâche tout ce que j’ai et j’en ai un paquet. Du raffiné bien senti, qui a macéré dans les plats mexicains et les sandwiches à la dinde périmée. Je crois que je serai devenu un vieux con quand j’arrêterai de rigoler de mes pets. En tous cas Edg ne rigole vraiment plus : « Max c’est ma voiture, je t’ai prévenu, si tu repète, tu dors dehors. Okay ? »
jour10