On se réveille dans le désordre. Cette fois c’est Princeton qui a fait chier notre chambrée pendant la nuit pour partir bosser. Est qu’il c’est finalement tapé Chéper ? Je dirais qu’il était un peu là pour ça, et je dirais que non. Il est 11 :00 bien tassé, la cuisine est dégueu, jonché de cadavres de bouffe, d’alcool et de cendriers. On doit rendre la maison, les occupants arrivent ce soir, et nous on dormira dehors dans la nature. Amel et Élise sont déjà dans le jardin, papoter, s’occuper des animaux, fumer une p'tite pipe. C’est marrant, dans leurs comportements et conceptions de la vie elles ont pas mal de différences, mais la coloc à Salt Lake les a fait devenir deux super copines. On range, certain plus que d’autre, je monte curieusement voir l’étage du haut. Une baie vitrée sur l’arrière de la maison dévoile une échelle extérieure, je sors pour voir ça. Une grande et robuste échelle de bois, je monte voir. La toiture-terrasse est en bitume d’étanchéité, il y a au milieu du large espace un sommier et un matelas usé par le vent et la pluie du désert. Je me roule un peu d’American Spirit et dessus, putain, cette vue. Le porche d’entrée est a bien 5 mètres en dessous, vue dégagée, les parents peuvent venir fumer et niker en paix ici, sans que les enfants aient à leur demander ce qu’ils en pensent. Je vois un petit chemin partir dans les buissons, traverser un vallon et menant à une cabane sombre. Je redescends de mon perchoir et m’enfonce jusqu'à la bâtisse. Elle est divisée en deux, une pièce avec des ornements étranges et pauvres, des outils de jardins. L’autre partie a une petite table et une couchette sans matelas, l’intérieur est très dépouillé, very strange vibrations, ça pue le vaudou, je ne reste pas longtemps. À la maison, Chéper est en train de passer la serpillière, parfait ! Je sais pas si Edg en a fait bien plus que moi, il est avachi sur la carpette de dehors et fume une clope. Tout est prêt, bagage paquetés et maison nickel, bisous à Rugby et on bouge à trois voitures de ce petit coin de paradis.
Toujours personne ne tombe dans le ravin, au parking on laisse notre engin et on se répartit chez les filles. Chéper me dit qu’elle doit bosser à la pizzeria cet après-midi et jusqu’en début de soirée. On va aller dans le coin le plus touristique et magnifique du Park, et elle nous laissera avec Élise. On se gare sur le bord de la route car le reste de la vallée est interdit aux véhicules, les services de bus du Park se chargent de la circulation en son fond et évitent tous problèmes liés au trafic. Super preuve de respect des lieux. En s’enfonçant dans les profondeurs, les parois jadis assez éloigner se rapprochent à vue d’œil. Une demi-heure plus tard, on débarque au bout de la ligne, la gare finale est un grand hall ou trône quelques épiceries et restaurants, et foule de monde. Je garde mes tongs, pour un truc de touriste comme ça sa suffira. On se met à marcher lentement, au rythme de Chéper. Le chemin est bordé par un mur, et des légions d’écureuils paradent dessus. À l’entrée il est inscrit une longue liste d’amandes, et le fait de leur donner de la bouffe est taxé de 250$. Visiblement, les gens le font quand même. On descend du chemin pour un coin de rivière assez tranquille, hors de vue des passants. On crame une clope interdite et on pose sur un tronc d’arbre coincé au milieu de la rivière. Je n’avais pas fait attention, mais il semblerait que les filles ne portent rien du tout sous leurs T-shirts. C’est pas nous que sa choquera. Les écureuils sont tellement modifiés qu’ils vont même jusqu’à gratter les sacs alors qu’on est à côté. Même les écureuils sont devenus accros à cette bouffe chimique. Pauvres fous, à vivre ici, je comprendrais presque les Vegan. On reprend le chemin et arrivons à sa tragique fin dans l’eau, mais la randonnée continue dans le lit tranquille de la rivière. Chéper trempe ses pieds et fait demi-tour, c’est l’heure pour elle. Je garde mes tongs, les autres leurs chaussures, et on part au milieu des touristes mexicanos, des groupes de français et des vieux, à contrecourant. L’eau monte des chevilles aux caleçons, et tire plutôt tranquillement. On ne va pas plus vite que les plus lents, on a tous un sac à dos et avec mes tongs, mes pas ne sont pas très stables. Élise en a aussi, mais des trucs de grimpeur qui fascine Edg, des sangles élastiques tiennent jusqu’au haut de la cheville et le socle est un plastique super cool. La paire coute quand même 80$, mais c’est a priori un bon investissement. J’avais des chaussures de marche dans la voiture, j’aurai niké le Gore-Tex mais sa aurai été plus pratique. Là, ça l’est pas du tout, mais le décor est somptueux, de grandes parois de roche des deux cotées de la rivière et même le nombre hallucinant de personnes dans cette mince gorge de dérange pas. Un attroupement stationne au milieu d’un couloir, il faut passer par un endroit ou l’eau monte jusqu’au cou. Les moins déterminés font demi-tour. On retrouve des françaises du bus, déclinons enfin notre nationalité et glanons les informations à savoir, soit rien de spécial, juste qu’il ne faut pas tomber si on tient à ses affaires et que derrière le virage, il y a une cascade. Elles tiennent à leurs appareils photo et décident de faire demi-tour. Élise a un fancy appareil à pellicule et Edg son reflex, mais on ne va pas s’arrêter là comme des gens pas drôles. Allé hop, sac sur la tête et on traverse. C’est marrant, tout le monde regarde la personne qui se lance, le T-shirt se mouille lentement et sans problème on passe tous trois l’épreuve. On passe l’angle du boyau, et arrive devant la cascade. C’est un ruisseau qui dégouline d’une falaise lisse et en pente, couverte d’algues. C’est pas la cascade du monde, on se cale dans un trou de roche à vue et on sort nos sandwichs. À l’ombre, on est bien, on regarde passer le flow en mangeant nos conneries chimiques de chips et de bouts de dinde. Élise boit un truc bio et lui apportant a priori toutes les nutriments qu’il faut.. On finit pas notre géant pot de Yaourt. Je passe à la baignade digestive dans la rivière agacée, on ne fume pas de cigarette car en théorie dans un endroit comme ça c’est interdit, mais même, on n’en ressent pas l’envie. La vie est si décomposée et passe en procurant un apaisement tellement grand que rien plus n’est vraiment questionnant, pas l’endroit où on va dormir ce soir, la traversé du pays en voiture qui commence demain, le T-shirt Levi‘s blanc uni dans la rivière boueuse, l’envie d’Élise, son Tshirt blanc sans rien dessous, l’amour de Paul et les clichés qu’il prend, la situation de ma vie d’adolescent d’une génération de merde, rien du tout, on est en phase avec les choses folles qui se passent autour de nous, les mémés en culottes qui marchent à contresens et se cassent a moitié la gueule tous les cinq pieds, la tong qui veut vraiment descendre la rivière toute seule, les gamins qui sautent dans l’eau, les faux « bon appétit » et le yaourt chimique. Bien qu’on n’avance vraiment pas vite, on veut explorer ce qu’il y a après, voir jusqu’où ça va. On sait qu’on fera pas le circuit en entier comme ces kékés qui passent, sur équipées de matos waterproof, mais on se remet à l’eau. Le goulot se desserre de plus en plus et laisse apparaitre les falaises hautes de 150 mètres encadrant la gorge. Il y a bien plus d’espace et on peut de nouveau marcher sur du sec. On n’échange pas trop avec Élise, j’arrive pas à savoir si on l’impressionne ou on la fait chier. Peut-être qu’elle est timide tout simplement, mais la grosse libellule posée sur tout son dos ne donne pas trop cette impression. Tout de façon y’a rien à dire là, juste à contempler. La gorge prend deux virages en coude, on hésite et puis on décide d’aller voir ce qu’on voit après le deuxième. La rivière est de plus en plus courante, on commence à fatiguer, le soleil a tapé fort et de se retrouver à l’ombre et de patauger dans l’eau jusqu’aux seins nous fille un gros coup de froid. Rien de plus à voir dans cette direction, la gorge continue, l’heure du demi-tour. On hésite à bouger un tronc d’arbre et de faire le retour en radeau, fonçant sur tout le monde, mais la descente est clairement plus facile. À un endroit, il fallait, après être passé dans un trou, grimper sur deux rochers affleurants. Au retour, en voulant faire chier Edgard je saute pieds joins dans l’eau, je trempe mon sac et ne le mouille pas. Pas grave, rien d’important dedans. La foule est constante, j’ai rarement vu autant de monde dans un décor montagnard, mais ça a rajouté à cette géniale balade le fait d’être un lent parmi les autres, pour un gamin qui d’habitude fout la mort aux gens en les doublant, cette fois je suis un jeune connard qui pinaille à marcher vite, comme la plupart des gens.
On attend le bus à l’ombre, encore trempé. Dès qu’on décapsule le yaourt, le bus arrive, on se cale tous les trois au fond le pot sur les jambes d’Edg et on le défonce comme deux gros dégueulasses, en foutant sur les sièges et par terre. Tss tss ces p’tits cons, déjà qu’ils n’ont pas le droit de bouffer, en plus ils dérangent tout le monde. Mais ça ne nous tue pas de faire un sourire aux enfants qui nous envient. Quelle arrogance. Posée juste devant la voiture, on est ravie de trouver un vrai siège et de pouvoir enfin aller vite. Élise nous met un petit son et fille directement au Supermarket. Chips, pack de 18 bières, bouclé. On retourne dans le parking sous terrain où on a laissé la caisse. Il est vide, on capte pas trop pourquoi Élise sort sa pipe, la tasse en scred descend sous le volant pour taper. N’aurait on pas pu attendre notre place d’apéro à cinq minutes d’ici ? Elle nous la fait passer et démarre dans l’instant. Elle roule plus vite, le soleil décline, les fenêtres grandes ouvertes. Je pose la pipe au milieu, Élise referme toutes les fenêtres et chope la pipe. Elle lâche tout et replonge dans ses pieds. Je me jette sur le volant, bien que la route soit droite, mais peur de rien la meuf, elle se fait des pipes en conduisant ! Notre première réaction en retrouvant la liberté de fumer du tabac a été d’en griller une, okay, mais là c’est quand même plus violent. Elle nous avoue en se marrant qu’elle fume un peu trop de weed. On s’arrête à notre parking d’hier où attend la voiture, déménagent nos affaires de pique-nique et on se cale sur la dernière table du fond et on sort les bières. Là, on est obligé de parler et ça ne parait pas bizarre de donner la question à Élise. L’année prochaine, elle va reprendre ses études de nutritionniste au College, elle a trois trucs kiffant dans sa vie, l’ordre de la nature, la weed et la musique qui se confond parfois avec l’art. Elle a des fois un soupçon de fille un peu bébête, puis des positions bien trop arrêtées, mais on est aux États-Unis. Elle ne nous dit pas pourquoi elle a quitté précipitamment la région riche de Los Angeles, ce qui l’a amené à Salt Lake, la ville de mormons. Elle reste très privée, mais avec la weed, les bières et Edgard, on n’a pas besoin d’elle pour animer le débat. Même si on est au fond du parking désert en fin d’après-midi, Élise flippe de se faire arrêter par les flics pour consommer de l’alcool sur la voie publique. Plus que de se faire choper la pipe à la bouche en conduisant. On juge que cette table, en plus d’être sale, apporte une trop grande distance avec l’environnement, on se met sur l’herbe et au bord de la rivière, on est bien mieux. À cuire pendant une heure, je jure d’aller me baigner, mets les pieds dans l’eau et finalement ai la flemme. C’est uniquement chiant pour ça la beuh, si sa rendait pas aussi fainéant sa serai la plus géniale des potions magiques. Après ça existe des drogues psychédéliques plus efficaces, mais on verra dans les années à venir. C’est mieux d’attendre que le cerveau soit correctement formé, je pense qu’il est à maturité maintenant, c’est alors qu’il faut savoir attendre l’occasion sans la chercher à tout prix, c’est pas drôle sinon. Élise a déjà tout testé, peut être en lien avec sa bébêtise, elle dit être une grande fan de LSD. Sûr qu’il y a un lien évident entre la consommation précoce de drogue et le fait que tout le monde est piné en Californie. Si c’est pas eux, c’est leurs parents. En tous cas les mêmes avis positifs sur l’expérience, un jour il faudra vraiment qu’on essaye avec mon Edg d’amour, en écoutant du gros rock psychédélique. Quand la nuit est presque tombée, toutes les bières sont finies, alors que le stock de weed d’Élise semble inépuisable, on prend sa caisse en direction de la pizzeria. On propose la pipe sur le parking, mais Élise nous regarde l’air étonné. Are you crazy ? Toujours pas assimilé leurs modes de raisonnement.
C’est le restaurant familial et touristique, il y a plein de télés sur les quatre côtés du grand hall carré qui passent les différents sports classiques américains. On commande les pizzas qui n’ont pas un choix débordant, on prend une petite topette de vin. Chéper en serveuse c’est génial. On voit sur sa tête qu’elle est pressée par quelque chose, elle s’acharne plus à décomposer ses mouvements, et ça fait pas naturel, comme si elle avait bu beaucoup de café. Y’a de grandes chances qu’elle bosse au black ici aussi. Elle prend nos commandes sans trop de fioritures pour ne pas attirer l’attention, on poursuit les fils de conversation et tout le monde se tait quand Chéper apporte la bouffe. La pizza se mange. Ça va être cool ce soir, on est moins fatigué de notre journée qu’hier, et l’alcool rattrape plutôt bien les vides de la weed, le mariage marche et quand c’est le cas, ça présage un très bon moment. Élise prend un dessert, nous on fait gaffe à nos sous et avant qu’on se pose la question du Tips, Amélia nous annonce que c’est pas la peine, on réglera ça au bar. Ça aurait été chelou de donner deux dollars à notre pote. On va pas aller se coucher tout de suite et ça, c’est une bonne nouvelle, profiter de la vie nocturne de Springdale. On n’attend pas trop longtemps la fin du service, et on sort avec notre Chéper retrouvé. On cale la pipe sur le parking, qui est maintenant vide, et regarde les étoiles, allongé sur le bitume. Avant de partir, Élise se cache derrière une porte de voiture et pisse. Ma mère le fait assez souvent, ça, mais j’ai jamais vu faire par des copines inconnues. On se répartit, et direction le Bar.
Un gros complexe, qui doit faire restaurant et hôtel. On lorgne pas le billard immense et prend place sur une haute table en bois près du comptoir. Ce style montagne américaine, ça a vraiment de la gueule. C’est pas les vieux savoyards avec leurs bouillottes, leurs arrosoirs aux peintures coniques, la vaisselle aux motifs vieillots. Là c’est toute la panoplie du western, le chapeau de cowboy, les winchesters et colts 45, les lassos, les habits de Lucky Luke, le matériel de chercheur d’or. C’est sûr, c’est plus récent et le folklore a été tellement relayé par tous les médias. Y’a pas de Lego « viens donc faire une raclette ». Amelia connaît pas mal de gens dans le bar, dont les serveurs. On prend un pichet de bière et on remplit les gobelets. Les deux font une très jolie paire, Chéper n’a aucune retenue de ses pensées, très directe et joyeuse, et Élise, plus mystérieuse, apporte un côté précieux au groupe. Aucun temps mort, à part pour qu’on sorte fumer nos clopes, un pichet suit, on ne fait que parler hilare. Les autres consommateurs, qui sont rarement jeunes, doivent être fatigués de notre bêtise. On parle de Slang Word, je demande si dude, guys et tous les folks servent aussi à appeler les filles. Amel ne sait pas, elle tourne lentement la tête vers Élise et lâche un long et grave HEEEY DUUUUDE. Elle explose de rire au ralenti, décomposition magnifique. Heeyy guuaaay. No, I think it is kind of weird. Cette meuf est vraiment trop drôle. On commande encore un autre pichet, en faisant un peu la tête mais après tout, c’est notre dernière soirée dans l’ouest sauvage, on peut profiter. Les gens s’en vont au fur et à mesure, nous on reste constant. Lassé de parler anglais on sépare la conversation en deux les filles peuvent papoter plus librement, puis nous on comprend à peu près l’anglais. Edg pense comme moi, Élise, c’est la fille la plus potentiellement baisable du séjour. Avant la vieille hippie du Yosemite. Roulé sur la devanture de l’hôtel, le ciel est pur, je comprends complètement la vie ici. C’est paisible, et à choisir avec celle de la folle ville des Anges, le choix est largement justifié. Je me demande si je ferais le même. On rentre, pichet rempli et filles en plein délire. Amel crie pour un autre, elle a de quoi nous entretenir un peu. On repasse en formation de jeune groupe d’hippies américains qui aiment la vie, et les pichets de Budweiser tombent naturellement.
Dans la voiture des filles, je me demande qui va devoir conduire notre bagnole. Je ne le me demande pas vraiment parce que ça sera surement moi. Je suis le pilote, et si on se fait niker par les flics, c’est mieux que ça soit moi qui prenne. Si Paul rentre en France à cause d’un incident aussi montré du doigt, ça serait pas cool du tout. Mais il rentrerait en France, il va me manquer à rester ici. On s’arrête à un hôtel, Chéper nous dit de ne pas faire de bruit du tout. On avance dans le complexe désert, escalade un portail et on arrive à la piscine. Y’a une alarme anti noyade dans le grand bassin mais au fond, un jacuzzi encore chaud. La lumière de mouvements s’éclaire, j’ai un peu peur d’être rodé mais c’est le spot à Chéper, elle nous garantit qu’y’a aucun souci. On s’assoit autour et trempons nos pieds dedans. L’eau est bouillante et je déteste ça. Chéper plonge. L’eau chaude c’est comme un volcan, tu mets ton pied dedans et t’es attaqué de part en part, il fait déjà chaut, pas envie de transpirer dans l’eau. C’est tellement inconfortable. Une putain de charge répartie. J’adore les Hammam et Sauna, mais l’eau chaude, c’est comme une grenouille dans une casserole, tu la mets à chauffer doucement et tu peux la faire cuire sans qu’elle s’enfuie. Pareil. J’y vais quand même. Sur les 3 heures du matin on sort de l’enclos pour retrouver nos voitures. On s’est calmés, et il va falloir se concentrer. On met tout doucement la compile US pas trop folle, Ghost Dance de Patti Smith, démarrage. Je trouve la science de m’en rappeler et ça marche toujours. On suit Chéper. Je conduis jamais bourré en France. Mollo. On espérait qu’elle ne tourne pas au seul endroit qu’on connaît, et dans la complainte du « Weee shaaal live again » pleurant, on s’engage sur notre chemin de terre survolant le précipice. Je fixe la route caillouteuse, ces deux folles tracent trop, moi je prends mon temps. Je ne pense pas à la probabilité de l’expérience : tomber dans le ravin. Fixer la route, ne pas réfléchir à quoi je suis en train de réfléchir, vivre l’action au vrai présent. Le chemin et les bras sur le volant. Étape passée sans accrocs, les filles nous ont attendus, on suit le chemin qu’on a emprunté hier soir, tous du long. Loving Cup suit, le triomphant chant de Mick sur les femmes sous de très bons et multiples instruments. C’est une vraie chanson de bourrée, ça, un truc qui se gueule. I'm the man on the mountain, come on up. I'm the plowman in the valley with a face full of mud. Yes, I'm fumbling and I know my car don't start. Yes, I'm stumbling and I know I play a bad guitar. Give me little drink from your loving cup. Just one drink and I'll fall down drunk. Give me little drink from your loving cup ! On s’arrête juste sur l’enclave faite par le chemin des cactus, avec nos trois grosses voitures. Chéper déploie toutes ses épaisses couvertures par terre, on pose nos duvets dessus. On pourrait faire sans, il fait tellement bon, Élise n’a pas de duvet et Chéper a juste une couverture pour elle. Elles vont dormir ensemble. Je me mets au milieu dans la partie garçon, et Chéper me rejoint. Élise sera sur l’extrémité, elle me lance un petit regard que je prends pour du « tant pis, la prochaine fois ». Ouais, pas grave, notre voiture est la plus proche, je change de CD pour mettre la chanson que j’adore le plus pour m’endormir parfaitement bien, Dandy Wahrols – Sleep. Une dernière pipe tourne, les étoiles sont d’une intensité jamais vues. If I can sleep forever, but it’s of her I dream. On parle très lentement. On a pas peur des serpents. La musique passe à un vieux rock anglais des Jam qui casse tout. Putain de leur race, je me lève pour éteindre le son. Pas tellement le temps de penser, quand la conversation s’éteint je m’endors paisiblement dans la poussière. Putain, quelle vie.
didYOuWokeUp?