Dernier levé dans cette chambre qui sent encore plus l’homme que d’habitude, une armoire à chili, un allemand qui pue la choucroute, et deux français qui se sont jamais lavé les pieds. Pas si pénible, mais pas de douille pré petit-déj. On prend une douche, on ne sait jamais quand sera la prochaine. Cedrico bosse son CV, il nous propose de bouffer un dernier mex. On y va à pied, c’est à côté. Bien joué le Padre, il ne nous a pas une fois emmenés au même endroit. Sur la route, je parle un peu à Jonas, lui lâche une phrase en allemand super rapide qui dit que je ne parle pas bien la langue, lui pinaille à sortir l’équivalant en français. Je me sens bon, mais je l’ai fait exprès. Arrivé a la cantina, omelette classique et ses nachos. Cher Cedrico, on se rend pas beaucoup compte qu’il nous a amorcé magnifiquement et efficientement notre voyage, qu’on a toujours connu l’Amérique avec lui, et qu’il va un peu nous manquer. Lui ne s’en rend pas compte non plus. Jonas ne prend pas plus la parole qu’hier, il nous écoute et rigole, il est marrant. Le temps est mitigé. On rentre tranquillement, une dernière fois à Valencia & 24 th Streets. On range tout, descend avec ces valises qui avaient bien trouvé leur place dans la maison. Dans le salon, il y a un pote de Cedrico. Il est couchsurfeur aussi, il a un look de surfeur à la cool. Il fait les vendanges dans la Napa Valley, nous deux français qu’on est, ne les avons jamais faites. Il pourra et voudra peut-être venir avec nous visiter le Yosemite. Seulement, s’il reste encore trop de raisins à ramasser, il va devoir bosser lundi. On se tient au jus. Il est marrant aussi, je l’appelle Ned, il a bien une tête à la Ned. On fait un gros câlin à notre nounours en chorizo, sous son petit béret. Restons assez sobres en paroles, comme si on se revoyait en fin d’aprèm. On se tient au jus pour le Grand Canyon.
C’est le moment pour régler le problème de réparation de voiture. Dans la première chaine de garagiste qu’on trouve. Sans comprendre pourquoi ils nous refusent, on décide de retourner au 24th at Valencia, chez le garagiste de quartier en face de chez Cedrico. Revenez lundi matin. Ça fixe notre date de départ. On a envoyé pendant notre micro matinée un message à Linnéa, la petite chanteuse qu’on doit revoir à Vegas, pour savoir si on pouvait dormir chez elle le soir. Elle nous répond dans l’heure, assez étonnée, disant qu’elle pouvait nous aider et qu’on pouvait passer l’aprèm ensemble. On y est allé peut être un peu trop direct, et ce n’est pas son genre. Elle bosse dans la galerie d’art de son oncle à Downtown, nous propose d’aller la visiter. Ça nous va très bien, mais on ne va pas se trimballer la caisse à garer et toutes les affaires dans le coffre. Très mauvaise idée. On va la garer dans un coin tranquille de Mission, et on sera libre. Pas loin de notre ancienne base, on trouve une zone avec des maisons plutôt bien entretenues, des panneaux de Neighbourhood Surveillance et de l’herbe verte. On va la poser la, et si on doit dormir dedans on la bougera. On n’a pas de weed de toute façon, on a laissé notre gangsta pochon a Cedrico, on lui devait bien ça. En faisant attention à bien fermer le coffre, on remarque un jeu assez impressionnant dans le système de fermeture du coffre. Sa nous fait un peu flippé, mais à quoi.. Elle est toute fraiche, n’est probablement jamais trop sortie de Californie, peut être un voyage à Vegas, elle a quand même roulé 120 000 miles autour de la bay. Et là, on va l’user à l’os, sa sera notre p'tit mobilhome salle de cinéma. On va être bien dedans !
Powell Street, on se met à marcher dans le Downtown bouillonnant d’affaires joyeuses. Derrière les hauts gratte-ciels de verres, le soleil brille et le léger courant d’air qui passe dans les hautes rues est très agréable. Dans une rue large, mais presque déserte, une grosse odeur de weed. On se retourne, personne à part deux gardes du corps, oreillettes et black shades, sorti d’un grand parking, pétards à la main. Quoi de plus normal en plein centre des affaires. Edg tel un GPS trouve facilement le chemin de la galerie. C’est pas le plus haut des gratte-ciels, mais reste très chicos. À l’accueil, Linnéa nous a dit de la faire demander. On est pas très à l’aise, ils ont tous l’air artistes intello plutôt vieux et plutôt bourges. On fait un tour des toiles de l’accueil, puis on se lance. Pour les situations comme ça, on règle au tour par tour, soit à celui qui a la meilleure mémoire de la dernière fois que quelqu’un a demandé quelque chose. C’est mon tour. Linnéa arrive quelques minutes après, à un sourire immense et nous invite à visiter la galerie avec elle. Elle finit plus tard dans l’après-midi, et pourra disposer d’une voiture pour nous aider à chercher l’hôtel. C’est bien, on n’avait pas prévu cette option de petite nuit d’hôtel, mais finalement pourquoi pas ! Elle nous sort un vieux mytho comme quoi elle doit rentrer chez ses parents à 1h30 de SF. Pas grave, on comprend qu’on ne veuille pas héberger deux français qu’on connaît pas et qui fument des joints. Elle a vu Paris aussi ! On fait le tour des toiles, pour la plupart peinture/collage. C’est inspiré et poétique, bien que je n’ai pas une connaissance du vrai art très développé. Je me surprends de plus en plus à y trouver un intérêt. Des fois, je me dis même que j’aurai pu être bien mieux avec les arts. Si je m’étais plus écouté au lycée, si j’avais envisagé des études avec un sens littéraire.. C’est trop tard, mais je peux encore me pencher sur ce que je veux. Quand on a fini la salle, Linnéa nous lâche pour retourner bosser et nous invite à visiter les autres galeries de l’étage. On fait des tours plus ou moins rapides, des expos de photographies sont intéressantes. Je trouve ça fou de peut-être, perfectionner des prises, mais de vendre très cher des photographies. Edg en fait des très belles, quel est le fossé entre les siennes et celles qui se négocient à 300 $ l’impression ? Un truc que je ne dois pas comprendre, foutue tête carrée. On repart dans les rues. Edgar a le gout de se poser dans un parc, de siester et de prendre le temps .J’ai envie de bouger, d’aller voir North Beach et les anciens beatniks. Il me trouve trop stressé, moi, je le trouve trop mou. On se donne rendez-vous un peu sèchement, puis je m’engage dans la traversée de Chinatown.
Le temps passe bien vite à marcher dans ces rues déjà vues, ce quartier est immense, si bien qu’au bout d’une demi-heure, je me retrouve sortie de la pagaille, aux confluences de North Beach, mais j’ai pas le temps d’aller fouiller un peu les rues de devant moi, j’aime pas faire trop attendre les gens. On a rendez-vous avec Linnéa peu après. Je fais demi-tour et remets à ma prochaine visite de San Francisco le quartier où il doit faire bon trainasser sa carcasse usée et saoule. Sur le point de retour, je reçois un coup de fil de Arthur, mon ancien colocataire et meilleur ami, il est angoissé au sujet de sa cousine malade et trop jeune pour. C’est une histoire de merde. Sa me fout le bourdon. Pas autant que lui, bien sûr. Quand j’arrive au-dessus de Edg, il dort étalé sur la pelouse d’un petit Park cerné pas les Buildings, les bras sur son appareil photo. Je le réveille, mais n’ai même pas le gout de lui faire une blague. Il a reçu l’appel aussi. C’est terrible, la vie, des fois. Il m’annonce qu’il a fait de super photos.
On attend Linnéa. C’est fou d’avoir autant de lieux qui vendent de la bouffe de merde, le grignotage, quand on y est sujet, est évident. Paquet de chips, j’adore. Linnéa sort, changé et toute gai, nous emmène chez ses grands-parents pour récupérer leur voiture. Ça nous parait un peu bizarre, mais ça arrive à tout le monde d’avoir une famille de gros blindés. Une réception de luxe, le portier est habillé en costume rouge, il reconnait Linnéa et ordonne à quelqu’un d’aller chercher la voiture. C’est marrant quand ça sent l’oseille comme ça, même si je me sens pas à ma place, c’est facile de s’y imaginer. La caisse pue un peu la vieillesse bourgeoise, mais avec classe. Une grosse berline Cadillac, longue et beige, luxueux modèle des années 90/2000. On s’embarque, le portier nous respecte et la petite Linnéa conduit l’chariot, apparemment sans grande habitude à conduire dans les rues de la ville. Elle nous emmène sur la côte, entre la plaisance de Fort Masson et le Fisherman’s Warf. Un hôtel qui fait plutôt jeune BCBG, mais qui a l’aire abordable, tournée sur le monde. En attendant que Linnéa parle à l’accueil, mon Edgar et moi épions une carte du monde. Le trajet en voiture qu’on va faire est presque comme si on partait avec ma corsa de Saint-Chamond, de beau matin, pour aller a Moscou. Plus même, Bagdad ! L’hôtel est complet, on fait demi-tour pour se promener un peu dans l’espace de petits parcs sur les berges de l’océan pacifique. On s’assoit, il y a un concert de baba cool en contrebas, sur les quais. C’est sonorisé, il y a quelques personnes dansantes devant, on les écoute de loin. On fume une clope, Linnéa a acheté un paquet de Marlboro qui se transforme en Menthol. Déjà que les menthols sont pas terrible, ce gout de menthe rajouté est encore plus faux. Comment ajouter le chimique au tabagisme déjà assez nocif. Ça sert aux novices, et sa rameute les nouveaux clients féminins, c’est moche de transparence. On bouge avec la grosse caisse au-dessus de Fisherman’s Warf, le port un peu faussement à l’ancienne, bien touristique. Ça fait un peu ambiance à la bretonne, la rudesse de la vie marine, loin des oliviers. Même si on avait du soleil jusque-là, il s’est couché derrière les nuages et un fort vent zone.
On veut faire une bouffe avant tout, Linnéa nous amène dans le Fast Food californien, le meilleur des hamburgers, In’N’Out. Ça veut dire sava-savien avec la même référence sexuelle. Garanti aucun micro-ondes et aucun congélateur dans ces restos, tout frais et moins cher qu’un fast food basique. La grande flèche entortillée jaune du panneau logo indique l’entrée, dans un complexe étrange en béton. Le choix sur papier est très limité, Hamburger ou Cheeseburger et leurs déclinaisons doublent. L’oignon est servi à part, à côté du plateau, la sauce n’est pas en abondance du tout, le tout est frais, les frites ont le gout des patates et les sodas ont le gout d’un soda. Y’a des codes secrets à annoncer au cashier pour avoir des burgers plus élaborés. Posé dehors, une fois fini ce sain hamburger, on fume notre tabac qui arrache la gorge. On marche un peu dans le port, l’ambiance est trop sympathique, on prend des photos de nous. Linnéa fait bien lesbienne chrétienne, mais pas la version chiante, elle fait des études sur l’art de la musique et nous a fait écouter son groupe dans la voiture, Aquadeer. Il a fallu insister, parce qu’elle n’aimait pas ces chansons d’elle, et trouve le nom du groupe ridicule. À l’écoute c’est cool, planant, pas assez développé, mais il y a quelque chose. Elle a une voie très douce. Dernière le gris mur de fin d’après-midi le soleil tombe, à l’aide du GPS magique Linnéa nous dépose devant l’hôtel qu’elle a réservé pour nous. On lui dit a bientôt, et on se fait lâcher de nouveau dans notre Downtown grouillant.
Ça à l’air bien, on paye 60 dollars pour un dortoir de quatre personnes, plus le p'tit déj, ça a l’air propre. On gagne nos chambres avec seulement notre petit sac à dos, comme de vrais touristes. Les couloirs sont tous remplis de moquette, de partout, c’est l’angoisse, les millions d’acariens qui doivent vivre là-dedans. Je ne comprendrais jamais, à part un confort évident dans les pièces pieds nus, mais putain la moquette dans le couloir c’est dégueu. Ça a besoin d’être lavé souvent, faut pas être intelligent pour comprendre ça ! Bref, les chambres aussi sont en moquette, l’autre lit superposé est encore vide, on croise les doigts. On tire a Papier Caillou Ciseau pour le lit du bas, je gagne, héhé, viens la toi mon petit lit du bas que je t’enfile de mon gros drap et de ma petite couette. Pas de Wifi. On sort pour s’acheter un paquet de chips comme repas du soir, et surtout quatre grosses canettes de bière à punk. Histoire de sortir pour notre Saturday Night in Downtown. L’épicerie turque est marrante, comme à la maison, les mêmes photos d’Istanbul et des montagnes du Bosphore. Notre ID française est souvent contesté, pas d’exceptions avec eux, et on fait ptetre jeune.. Mais ça marche. On rentre à la chambre, et deux autres occupants sont là. Des Belges. L’un d’entre eux ne parle pas français, un Wallon, ou un Flament, j’y connais rien à leurs bagatelles, mais un seul parle français et avec un accent de couillon. Y font chier, on va pas se casser les couilles à parler en anglais avec des supposés francophones, tant pis pour l’autre y comprendra pas ce qu’on dit. On le questionne sur leur voyage, ils sont partis de LA, on fait le tour par Las Vegas et les grands espaces, et se finissent à San Francisco. Trajet classique. Ils prennent l’avion dans deux jours et viennent d’arriver dans la ville. On les engueule, fallait prévoir plus pour voir San Fran, mais si ça préfère passer cinq jours a Vegas.. Celui qui ne parle pas français à l’air particulièrement stupide, l’autre est parlable, mais ils n’ont pas l’air d’être bien drôles. On tise tranquillement nos bières fortes, Amsterdam et 8-6 gold, on commence à être bien. Bien sûr, on n’a pas le droit de fumer dans les chambres ni dans les couloirs, on est obligé de descendre nos 4 étages sans ascenseurs, faire une pause dans la bière, et se cailler le cul parce qu’on a oublié qu’a SF, même en été il fait froid. Les Belges veulent faire la nouba ce soir, nous aussi, mais personne n’exprime souhaite se réunir, c’est tant mieux. Ils se font beaux et partent. On reste, les deux glandus, à finir nos bières. On regarde les photos qui sont géniales, on discute grassement et on feuillète le routard pour savoir où aller. Bien le gout de swinguer aussi. On fait notre petite liste d’endroits cool parmi les nombreux lieux du Downtown, finalement y’en a que trois, on enfile nos capuches et on se lance.
Premier bar, l’endroit est charmant. Une route passe sous un tunnel, l’entrée du bar fait une mezzanine sur la lugubre rue en contrebas ou un magasin proclame un vert ecstasy. Y’a du monde devant l’entrée, on fume une clope d’abord. On est en pleine montée d’alcool, mais confrontée à eux, qui sont si différents.. Une fille à côté de nous, elle doit faire dans les 45 kg pour 1m50, les bras et le dos langoureusement tatoué, ses cheveux noirs qui font éclat sur sa peau mexicaine, des traits d’orfèvre, habillez ça en punk rock, et je me prends une baffe. Elle jette sa clope, on finit la nôtre et on rentre. Une mezzanine rustique en U, un bar à l’ancienne et du gros rap/électro. Je sais pas ce qu’on les américains avec la Stella Artois, mais faut leur dire que ce n’est pas de la bonne bière. Il la considérant comme bien mieux que la Heineken, juste en dessous des bières d’artisan, c’est faux, c’est de la blonde de vieille. Ça reste la moins chère. On se cale à un balcon. On a bien redescendu, ça serait idéalement le moment de se saouler, mais le problème est le prix. On danse un peu au milieu du vide qu’on fait les gens autour de nous, du monde nous suit un peu, mais pas de flamme. On ressort fumer la clope indispensable après la bière, on en reprend une, je vais parler avec un hipster sortant des chiottes et la seule question que je lui pose est « you’re from here » tellement il me snobe. Je remonte, on se recale au même endroit. Derrière nous une bande de gens sérieux qui font la fête, dansent comme des bourrées. La punkette mex danse avec eux, putain. J’hésite un bon moment, la bière est finie, la musique, un gros Kanye West bien Stronger. Ma timidité est surement mon plus gros défaut. C’était surement une putain. On n’sait pas trop comment, mais on a perdu la flamme, Edgar n’est pas non plus le plus grand bringueur que je connaisse. Ils l’apprennent pas en archi, y préfèrent les petites soirées mondaines. On s’en va du bar, la main dans les poches. Edg veut rentrer se coucher, il est une heure, moi j’ai pas envie. Pas si tôt. Je propose un bar, le Minsk. On se querelle, finalement Paul me lâche un on y va si t’arrives à trouver le chemin tout seul, en me balançant le plan, genre j’suis un autiste qui sait pas lire une carte. C’est pas à côté, on parle pas pour y aller. Le bar est sombre, la foule est bien moindre et ils ont l’air encore plus snob. On fume notre clope de devant de bar, pas l’gout de se mouiller, on rentre à l’auberge en ricanant comme deux looser. Les belges sont toujours pas rentrés, eux.
suite yay