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Jour 27


Debout à 7 :00, je sors de la voiture. Pas dormi si longtemps, mais la circulation c’est amplifié, le matin est toujours le moment le plus frais, et je dois pisser. Je partirai bien maintenant, j’ai la pêche, mais je vais pas réveiller Edg. Je ne veux pas que cette journée soit comme les derniers instants d’hier. On a encore 13 heures de route pour atteindre Austin, ça fait pas mal à se côtoyer, on prend sur soi pour être agréable, ça sera bien mieux. On est garé à côté d’une vieille maison abandonnée et de son tracteur, à la vue de tous les routiers. C’est pas le meilleur emplacement qu’on ait trouvé. Quoi qu’il en soit, je me recouche et réussis à me rendormir.

Deux heures plus tard, on ne peut plus dormir, le soleil cuit la caisse et la route est trop bruyante. L’heure du p'tit déj à Albuquerque, une bonne quantité de bouffe nous remettra sur pied. La petite heure de conduite qui nous sépare de la capitale du nouveau mexique passe en un éclair. Pour rentrer dans la ville, je remets la chanson de Neil Young. So I stopped, when I can. To find some fried eggs, and country ham. I’ll find somewhere, where they don’t care, who I am. Ooh AaAaAaal-beur-quki. La première cantina breakfast qu’on croisera nous aura. On se perd un peu dans les premiers quartiers de banlieue. Un truc là-bas, adjugé, pas mal de monde dedans, on s’installe et commande plats et cafés. Pas la peine de parler d’hier soir. Dans cet authentique restaurant de petits déjeuné mexicain, pas internet. Toilettes, quelle tête de cadavre, on doit faire peur aux serveuses tellement on est tous les deux crotté. Elles n’auront pas de pourboire de toute façon. Fini, digestion des œufs enclenchée, on regagne la voiture. Edg va conduire, et me prie d’aller jeter le sac plastique de bouffe qu’on ne mange pas et qui pourrit. Il n’y a qu’une poubelle a huile de moteur sur le parking, je demande à un flic qui est assis pas loin si je le mets dedans, il me fait signe de poser ça n’importe où. Bon, la ville à l’air sale de toute façon. On la traverse par une seule rue, le temps de ne rien apprécier, on est déjà passé de l’autre côté. On trouve un macdo sur cette même route, on s’assied devant. Les gens doivent pas avoir l’habitude de voir deux clochards avec une mini tablette Apple chacun, en tout cas ils aiment pas qu’on pirate le wifi du mac dal. On se fout au plus profond de leurs regards, Austin est toujours muet. On fume une clope, en se questionnant. Qu’est qu’on fait si on arrive à une heure du matin là-bas et que personne ne nous attend, on prendra une auberge ? Bon, on a toute la journée pour y réfléchir, mais on est bien devant ce McDonald. Il fait pas encore trop chaud. On se prépare à rentrer dans la voiture pour des heures encore. Direction repérée, Edg prend le volant. On se met d’accord de changer toutes les deux heures. On passe les montagnes de l’est de la ville, et continue la route. On aura vraiment eu un faible aperçu d’Albuquerque, ça à l’air à la fois d’un quelconque ennuyeux mais tranquille à vivre. On roule sur la fin de l’immense plateau des rocheuses et se retrouve dans la plaine texane. Notre journée sera de la traverser. Finis le relief, la ligne d’horizon sera notre unique vis-à-vis. On c’était imaginé faire plein de trucs pendant ce long trajet, des trucs important comme les comptes des semaines passées, noter au moins la moitié du voyage sur le bloc note, apprendre du vocabulaire anglais. Mais on n’est pas dans l’humeur de rien, la fatigue, on regarde les paysages monotones, les milliers de gens qui doivent graviter dans ces villages morts qu’on traverse, les camions chiants à dépasser, et on fixe. Le regard vide, la tête qui pense au rien. Je saisis l’envie de lire dès qu’elle se présente, et sa me passe bien le temps, et ce Shantaram, tout en délivrant des leçons de vie a tous les chapitres, a une histoire prenante. 2h, à moi de conduire

Trois heures après être passé à Albuquerque, on entre dans l’état fédéral du Texas. On perd une heure, mais ça nous fait pas aller plus vite, juste arriver plus tard. Les derricks et leur pompement langoureux de pétrole apparaissent. Il y en a de partout, dans tous les recoins les plus petits entre champs et rochers perdus. Le vent ramène de la poussière, le Texas, c’est très grand, et très vide. Mais je veux voir les habitants, cette crème de beauf fantasmé dans le monde entier. On n’a pas vu d’armes encore, peut-être qu’ici y’a des défilés de la NRA, des trucs exotiques, Nathan et son magazine de flingues c’était bidon. Plein à faire, stop dans un bled affreux. Edg va remplir, je sors pour me dégourdir les jambes, et on prévoit d’acheter notre repas là pour ne pas perdre trop de temps. La vendeuse, surement accompagnée de sa sœur, oh mon dieu les épaves. Des cheveux long, blond et gras, une robe qui va jusqu’aux pieds en toison vieille, des boutons, pas une tête moche, mais elles puent l’évangélisme. Elles en ont le visage marqué. Quel enfer que de vivre dans ce putain de trou ou traine des vieilles carcasses métalliques de tracteurs ou de mobile home, des cadavres d’usine, du vent et du sable, au milieu de rien. On doit pas regarder la vie du même côté. Je ne bad plus au moins, mais j’ai pitié d’elles. On achète ces horreurs de Bagels, de la crème de coulis de fromage et de la dinde découpée, comme toujours. J’ai tout jeté ce matin, mais ça avait déjà reçu trop de chaleur et de poussière. C’était peut-être mangeable, mais on n’en avait pas faim. Au moment de payer, pas un mot, pas un regard, encaissement, puis un merci tellement minuscule. Sainte mère. Allez, un trou à traverser en moins, on continue.

Edg prend le volant, je fais les sandwichs et les clopes, sieste d’une demi-heure, je me passionne de mon bouquin, le type prend tellement cher dans sa gueule balafrée, j’suis trop tendu et.. 2 heures, à toi.

Fait moi un sandwich et une clope s’il te plaît mon cœur. Putain Lumbock c’est grand, mais qu’est que c’est moche. C’est l’opposée du désert d’hier, celui-là est plat et habité. Et bien plus immense. Les routes sont toute droite, c’est vraiment pas fatigant de conduire dans ces conditions. Mais y’a absolument rien à voir à part des derricks, des barbelés et des mobilhomes. Merde, quelle horreur cet état. 2 heures, on change.

On s’arrête à une station essence, faire le plein, encore. Il doit y avoir une petite merde avec la voiture, il me semble pas qu’elle suçait autant au début. Bon elle a l’air de tenir, puis on en a fait du ch’main dis. On s’achète des bières pour la route. On roule sur de petites collines toutes mignonnes, des combes et même quelques virages ou on est obligé de ralentir un peu. On boit nos deux chère mais bonne bières chacun, agrémenter d’un somptueux Bagel fourré alors que le soleil se couche derrière nous, la lumière est d’or et la conversation se délie. On en conclut que les heurts sont dus à la fatigue, qu’on s’aime quand même, puis autant passer du bon temps, mais on oublie l’hôtel a Austin pour cette nuit. On dormira très bien dans la voiture, on gagnera des sous et on est tellement crevé que de toute façon ce soir sera mort pour la socialisation. Puis on pourra s’arrêter avant, et enlever une heure de la putain de route. Tu m’étonnes que Kerouac fût tout le temps bourdonneur. Sur La Route ça a dû le suivre toute sa courte vie. On met le CD ou le début est trop merdique, Rihanna Shut Up And Drive, David Guetta Memories, Justimberlake My Love, Kanye West All of the Light, on danse avec la ligne blanche et jaune et mes couteaux, et les lunettes de soleil. Yes man. Ça passe bien plus vite quand on a la frite. On change de conducteur.

Y fait nuit, on va jusqu’à ce gros point sur la carte, Lampasas et on dort dans une ruelle. Y’a un lac, y dois bien avoir de la place. Mais on va se payer un Macdo pour être sûr qu’on a aucune réponse de CouchSurfing. Et les autochtones vont voir du crétin sale, mais excité comme des cochonnes. Yaaar, comme dirait Prabu. Celui-là sera bien, y’a plein de gros pickups, y dois être beau. Edgard prend son Happy Meal et je me prends le Menu Big Mac, pas best of. À la table sous la seule prise de la pièce, suspension de l’iPhone, puis on jacte fort avec un bel accent français de la campagne. Personne sur CouchSurfing, ouf ! On va pouvoir passer notre dernière nuit dans la voiture. Repas passé, je reprends le volant baby, démarre et Edg a une idée lumineuse. Pillage de soda. Des gobelets trainent dans la voiture, et on sera content de les avoir remplis pour ce soir, et c’est gratuit. La machine a le pire gout de javel qu’on ait rencontré, mais qu’importe, Edg s’y colle et rerentre. Y’a une femme avec un nourrisson dans le bulldozer montagneux à côté de nous. Je vais pas me laisser intimider, après tout on a une belle plaque d’immatriculation californienne. Red Hot Chili Peppers, pousse le son, et mets les lunettes de soleil. Y’a-t-il un problème ? Si bébé pleure pas, c’est qu’il aime ça. Edguerre arrive les mains pleines de soda en gobelet, se jette dans la voiture et je fais mon demi-tour en prenant tout mon temps, regardant la femme dans les yeux sous mes lunettes de soleil. Elle tourne la tête, elle fait bien. Je m’insère dans la circulation comme un caca mais j’arrive pas à faire miauler les pneus. Vivement qu’on soit à Lampasas.

Ayé fait, bon on n’espère pas trouver une activité ici, il est tard et ça a pas l’air d’être funkytown. Près du lac, y dois y avoir des coins peinards. Une petite rue vers l’eau, quelques habitations autour mais ça a l’air pommé. Le lac est au bout de la rue, on pourra aller se fumer un petit pétard de notre beuh survivante. Ouverture des portes, on prépare le lit. Edg voit bouger un rideau avec quelqu’un derrière. On sait ce qu’on dit à propos des Texans, ils sont conservateurs au sang chaud armé. On ne va pas risquer de se faire réveiller par les flics, y’a un panneau Watching Neighborhood bien en face de nous. Enculé. Le parking vide de la baignade stipule maintes fois qu’on ne doit PAS se garer ici la nuit. Les keufs tournent surement dans ce genre de lieu. Nike aussi, il est tout pourri ce lac, petit et pas de berge, on dirait une rivière, et il doit puer le graillon de Burger King. On fait le tour de la ville, il y a un mini centre historique amusant. On lève plusieurs endroits possibles, mais pas terribles, puis c'est tellement calme. Bon, allons dans la campagne, on n’aura pas de texans sur le dos. Puis cette ville pue l’ennui, pas une seule voiture sur la route et naturellement pas un piéton. Le seul contact humain qu’on aura eu avec un habitant aura été ce fermé de rideau. On s’éloigne de la ville dans la direction d’Austin. Des petites routes qui se perdent, il y en a plein, mais elles sont comme un réseau de distribution au milieu des Ranchs. On s’engouffre dans plusieurs, et toujours aucune place pour caler la caisse. On ne veut pas empiéter la route, les ranchers doivent pas forcement être gentil avec les hippies qui vagabondent sur leurs paliers et qui empêche le Monster Tracteur d’aller livrer ses têtes de veau. On s’énerve un peu contre cet état de con, pas une seule putain de gâche isolée dans cette putain de contrée. Qu’est que doivent bouffer toutes ces vaches, ou pousser dans cette vase ? Sa doit faire une heure et demie qu’on s’est arrêter devants la première chasse d’eau. Y’avais un truc bizarre sur le côté de la route, demi-tour, un hérisson écrasé, putain mais à quoi on sert. Allé zou, là y’a pas de barbelés, on teste la place. C’est pas le meilleur endroit, le soleil nous frappera tôt et on est en vue, mais c’est le pays de la liberté. On espère juste que les plantes bizarres qui poussent de partout sont pas cultivées. Le lit est déjà prêt, il nous reste plus qu’à savamment doser les miettes de pétard pour en mettre le moins possible mais pour être quand même un peu défoncé. Un rien nous abattra, et demain sera sale. La clope légèrement parfumée. Content d’avoir fini ce trajet, on regarde les étoiles, même si elles brillent plus à l’ouest.

crasse