Précédent -- Suivant





Licence Creative Commons
Jour 30


Putain de merde, on ferme pas les volets au moyen orient ?! Ce n’est pas mon genre de penser des trucs comme ça, normalement je me lève toujours tôt, quel que soit l’heure à laquelle je me couche. Peut-être que ce voyage me changerait en fainéant lève tard ? Je regarde Edg qui me fixe et on décide de se lever, 11 :00 am. Y’a du bruit dans le salon. On sort habillés, un mec en costard devant son PC discute avec Sebhaas. Il est sérieux, fait des blagues qui nous enfoncent gentiment et dans le son de sa voix on sent qu’il est pas là pour déconner. On sait pas trop quoi dire, Sebhaas nous présente nous, pas lui, et on explique donc notre voyage. Même s’il acquiesce comme tout le monde, on dirait qu’il ne cautionne pas trop le fait qu’on soit ici. On fait pas gaffe, remplis deux bols de céréales, verres d’eau et on va manger dans la chambre. On a 7 heures de route avant d’arriver à Lafayette, tout de même, faudra ne pas trop trainer. Edg renverse son verre sur la moquette, ce qui n’est pas un fait assez grave pour être signalé. On fait la vaisselle de nos bols, nos sacs sont prêts, on remercie notre Seeby. Il a été vraiment trop gentil avec nous. Un autre gros câlin au nounours arabe. Dernier voyage où je commence à conduire, Edg guide toujours bien, nous trouvons sans difficulté la Freeway 71 remontant au nord de la ville. Une grosse demi-heure plus tard, elle rejoint l’interstate 10. On la connaît, elle commence à Santa Monica, Los Angeles County, CA, et finit en Floride. Elle nous a menées à la plage de Venice, et là elle nous déposera à Lafayette même. Juste à suivre la dernière ligne jaune jusqu’à notre terminus. On va pouvoir se poser un peu. Edg a échangé des emails avec Jessie, on n’a pas très bien compris s’ils nous invitaient chez la grand-mère de Jane pour le souper ou s’ils nous rejoignent après. En tous cas ils sont ravis de nous accueillir dans leur maison, un peu en écart de Lafayette. L’endroit ou Edg va passer son année entière. Et là où je décollerais pour la France.

Le son de la voiture est toujours celui de nos compils qu’on commence à avoir exploité jusqu’au trognon. Le dernier voyage va être pénible, long, surtout que nous commençons par une erreur qui nous coute une demi-heure, puis Edgard angoisse un peu de voir sa nouvelle ville. Il dit que c’est la taille d’un gros Saint-Chamond et que manifestement, c’est pas une ville frappée par quelconque folie. La poussière réapparait vite. On passe aux environs de Houston, la ville du pétrole, qui nous fait suivre un parcours étrange au sein de multiples échangeurs routiers aériens entremêlés, montant je ne sais pourquoi si haut, élevant les voitures au-dessus des habitations. Les grattes ciels nombreux du Downtown montrent qui sont les maitres de la ville. On traverse les célèbres cercles illustrant le patron urbain américain modèle, puis de nouveau, le désert et la poussière. Quelques vingtaines de miles plus loin, au milieu de rien, une forteresse de magasins. Edg a entendu parler de ces centres commerciaux isolés, vendant des articles moins chers que dans les vraies boutiques de villes. Demi-tour pour y aller, sa nous permettra de manger. Ce bastion est entouré de murs haut et gardé par des grilles, les rues sont grossièrement pavées, l’auberge est bruyante. Dans le bâtiment principal se retrouve un nombre impressionnant de Fast Foods, classé par type, autour de tables communes. Ça pue toutes les odeurs de gras à la fois. Pas d’accord sur la bouffe, je prends un quart de pizza, c’est relativement cher et putain, l’horreur au chorizo, la pizza la plus grasse que j’ai jamais mangée. Si le quart me remplis pas, il me laisse un arrière-gout de graillon piquant qui donne le vertige à mon œsophage. Paul Edgard en ancienne fashion victime pourrait mieux en parler que moi, mais on fait quelques magasins, Convers, Vans, Tommy Hilfinger juste pour rigoler, quelques petits skates shops, ne nous enthousiasme pas du tout. Les prix sont pas fous, ces visiteurs n’ont pas l’air très intéressants. On en a des gros aussi en France, mais ils sont situés en marge des villes et participent à l’espace et desservent une population définie. Ici, il n’y a strictement rien aux alentours, c’est uniquement un centre de consommation pour qui préfère faire quelques miles en plus contre de petites réductions. Raisonnement simplet, pas d’âme, aucune vertu trouvée. Même si nous trouvons ce modèle en fin de course, c’est contredit par l’assez importante population. On n’achète rien, ça serait cautionner. On reprend la voiture et entrons rapidement en Louisiane.

Le paysage est bien plus vert, il éclate sous la lumière vive du soleil et le manque de Chlorophylle de nous dernières journées. Les pubs de Casinos abondent sur le bord de la route, Edg veut pas que ça soit comme à Las Vegas. On ne croise pas de villes dignes de ce nom. Le marécage apparait, les bestioles viennent de plus en plus se coller au pare-brise. Je conduis, Edg s’endort. J’écoute le faible son de Let it Bleed des Rolling Stones. La fin apparait sur la signalisation. Les publicités du bord de route la mentionnent. Ses premières bâtisses apparaissent, je réveille Edgard. On y est, Lafayette.

Edgard prend le plan, on ne sait pas où aller. Enfaite on n’est pas invité chez la grand-mère de Jane, on s’est cru un peu trop important. On les rejoindra vers 10pm. Le routard ne mentionne pas beaucoup de lieux en ville. On ère dans les rues de bourgade. Le trafic est très dense. Il est 6 :30pm. On passe au milieu du campus de l’université de Louisiane, la futur de Paul. C’est grand, fait partie intégrante de la ville. On prend la rue centrale, déserte. On se garde pas loin de l’immeuble qui domine la ville, Chase, une banque. Garée à une rue qui donne sur une petite place, on sort. Des gamins noirs jouent dans des jets d’eau. Il fait horriblement chaud et l’air est lourd comme une éponge. Le tour dans la rue principale est plutôt triste car l’on n’y croise personne. On est passé devant un bar qui avait l’air cool, on va boire une bière, c’est nécessaire pour l’arrivée. Terrasse en bois et arrosé de micro gouttes. Dedans, c’est vide, un poivrot encore peu bourré parle fort avec un accent qui racle. On prend un demi de High Life, un paquet de Marlboro, et on va sur les transats de la cour intérieure. Un noir branché y fume une clope, part quand on arrive. On se regarde, on fume une deuxième clope, puis quand nos verres sont finis, rentrons au frais. Le poivrot mange des crevettes, pas plus. Le soleil décline. On a lu à propos d’un super marché bon et bio, un plan serait d’aller se faire des sandwiches là-bas. Reprise de la voiture, Edgard conduit. Il est 08 :40, le magasin ferme à 9:00. Plein de circulation, quand on arrive près, on craque. Ça va être fermé, autant aller au Subway tout de suite. La serveuse est une grosse noire, elle se fout de nos gueules de petit français, de notre accent de mec perdu. On emporte, et roule dans la lourde nuit Cajun, sans trop savoir où aller, car on y est déjà.

C’est l’heure de finir la beuh. Je roule le pétard à la place passager, Edg a déjà commencé à apprendre les rues et donne les directions. Une église au style orthodoxe un peu saugrenue, il y a un petit parc ouvert autour, on n’a pas encore croisé une bagnole de flics.. Puis on est pas habitué à ne pas faire attention. On bouffe notre demi-Subway chacun, toujours sur notre faim, mais on s’y est habitué. Notre dernier spliff de beuh Californienne s’embrase, dans cette ville vide, sur ce banc d’église. Le dernier repas des nouveaux disciples assommés. On s’apprête à rencontrer les futurs compagnons de Paul, Manon, et moi je fais ma cure de remise à flot pour rentrer en France et continuer ma merde. Dernière destination, il reste quand même dix jours mais vu le premier aperçu sa sera pas les plus fous. Celle qui nous aura tant fait voyager, presque notre troisième compagnon, la hada verte, s’envole dans la moiteur. On la retrouvera ici, surement, mais elle n’aura pas le même visage. Edg commence à partir sur une conversation déraillant de l’urbanisme, la politique, à l’économie, re l’urbanisme, jusqu’a à l’histoire, toujours liée mais que sous forme d’interrogation accompagnée d’émerveillement bambin. Je réponds, ou essaye d’inventer la meilleure des solutions à ses assauts de question sur tout. Quand il en vient à la question : mais comment la chrétienté est-elle arrivée à exister et finalement prendre le pouvoir sur l’empire romain ? Je lui réponds que ça me saoule. Si ça l’intéresse vraiment, il prend une conasse de carte de Bibliothèque et il aura une réponse. Se plonger dans des bouquins, il l’a jamais fait de sa vie, sa lui apportera plein de superbes réponses. Ça va changer la france de plus avoir à embrayer sur les réflexions naïvement infinies sur la cause plus ou moins obscure du raisonnement de la vie et de ses déboires. C’est certes très intéressant, mais des fois faut se détendre, putain. Les débats permanents depuis un mois, ça commence à être chiant. Je refroidis gravement la conversation. Il fait encore chaud à transpirer. Jessie nous demande d’aller le rejoindre à l’Artmosphere, le peut-être futur coloc de Paul y joue ce soir. Plus rien à dire entre nous deux, c’est le moment d’y aller.

C’est en fait le même bar que dans l’après-midi. Y’a un peu plus de monde, et un videur qui prend nos cartes. Il voit qu’on est des français aux habits de voyageurs dégueulasses, il nous sort des blagues, on comprend presque pas, on va se reprendre une High Life. Terrasse extérieure, les jets d’eau se sont arrêtés et il y a du monde sur presque toutes les tables. Dedans, un mec tout maigre passe des titres de vieux rock, de soul, de rhythm and blues. Il a l’air dans son truc, ne portant d’attentions qu’aux disques. On fume nos clopes dehors, le portable d’Edg sonne et on voit Jane arriver, seule. Elle nous fait un gros bonjour hug à l’américaine, mais sa tête restant impassible. Son mec est pas là parce qu’il est fatigué, elle a pas de bagnole mais rentrera chez elle avec nous. Ils habitent à 20 minutes d’ici. Deux copines de Jane arrivent et on change de table pour s’assoir dedans, écouté le son d’André. C’est son pote, mais elle le trouve bizarre, des fois c’est comme s’il te connaissait pas. Laurie et Amy sont mignonnes et ont l’air gentilles. Au bout d’un moment et après certains trucs qui nous paraissent bizarres, on se rend compte qu’enfaite, Jessie c’est le prénom de la fille, Jane c’est le mec. On est vraiment des gros trous du cul, le Facebook on a regardé vite fait et y’avais pleins de photos d’eux deux, si on avait cherché on se serait pas ridiculisé. Elle ne nous a jamais reprit, si sa se trouve elle a rien capté. Mais elle a un nom de mec, et surtout lui a un prénom de gonzesse ! On commande une girafe, on boit, nous on ne raconte pas grand-chose, on écoute les filles parler de leurs petites histoires. Jessie à l’air un peu sèche. Peut-être la fatigue. Sur les une heure du matin, on rentre. Andrée n’est pas venue nous parler, juste un serrage de main hâtif. On n’est pas très sobre, on demande à Jessie si elle veut conduire. Je me cale sur la banquette arrière et m’endors.

Je sais pas par quel phénomène, mais je me réveille absolument toujours quand on est sur le point d’arriver. Les vibrations de la voiture changent, surement, et là, notre cavaliere doit sentir qu’elle va pouvoir avoir une base fixe, après tous ces miles si loin de chez elle. Une maison en tôle, y’a des chiens qui nous sautent dessus, on entre, je capte rien du tout de ce qu’il se passe. Un salon avec un canap et deux fauteuils dans le salon commun à la cuisine, la chambre du grand frère de Jessie est vide, on tire au papier caillou ciseau pour qui l’a, je gagne. Je veux me prendre une douche avant, on c’est encore une fois rendu assez sale. Toujours très chaud dehors, mais les clims tournent à fond et la salle de bain est gelé. J’essaye de mettre mes affaires sur la bouche de clim au sol. Frigorifié, en caleçon, je fille vite au lit, confortable. Dans la chambre, un poster des Beatles, deux guitares électriques et du matos de musico. Sa à l’air d’être calé cette maison. On verra demain. 

dix jours en louisianne