Aaarh putain grosse nuit de merde sur ces coussins de chaise. Ils commencent à fatiguer mon dos, puis la fumée d’hier ne met pas dans le confort pour dormir dans ces conditions. Il est 8am, je me cale Shantaram et remet les Fleet Foxes au minimum alors que Edg dort encore. Je lis une demi-heure et demande à Edg si on peut bouger, ce à quoi il me répond d’aller faire un tour dans le quartier. Je m’exécute, il fait gris et le vent frais ne rend pas l’exploration de ce block résidentiel désert très marrante. J’arrive jusqu’à la plage, il y a personne et le vent est au plus froid. Retour à la caisse. « Mec c’est quand que tu te réveilles ? Qu’on soit là pour dormir dans la caisse je vois mais on pourrait faire autre chose. – mais tu peux pas te poser deux secondes sérieux ? Profite, laisse-moi dormir et va faire un putain de tour. – ça fait une heure que je te laisse dormir et tu commences à me péter les couilles » je sais que Edg est pas du matin et moi je devrais l’être, mais je suis énervé. Je commence à replier les sièges et à ranger les matelas, Edg se lève en râlant, range lentement son duvet. J’allume le contact et cette précipitation ne lui plais pas, il m’insulte, mec tu vas quand même pas bouger alors que j’ai même pas fini de baisser mon siège? Guess what, dès que le siège est clipsé, je mets le pommier de vitesse sur Drive et démarre à bale, le plantant contre le siège arrière. J’entends des insultes mais n’y fais plus attention, j’ai mis la musique à fond. Enfin on bouge de ce parc à maison plat. J’avais pris soin de passer à MC Solaar et fendille la foule avec la paire dans la black chevy. Sur le routard on avait repéré un breakfast cool à Santa Monica et j’ai eu le temps de regarder la route, j’ai donc rien à demander à Edg et je sens qu’il met mon sens de l’orientation à épreuve. On reprend nos esprits, ça sert à rien de se bouffer la gueule de si bon matin et fort heureusement Edgard à assez de recul pour que ça soit évident. Je trouve le Santa Monica boulevard assez facilement et Edg le Jinky’s. On fait la queue pour avoir une table, la bouffe est pas mal mais cher et on sent qu’on doit vite libérer la table. Aucun tips.
That’s me, that’s me, the boy with a broken halo. Black keys peu inspirés au réveil. Edg cherche une direction. On est prêt du port de Long Beach, j’ai dû dormir un moment. Je ne crois pas qu’il y ait grand-chose dans cette ville, à part Snoop Dog. De grands ponts passent autour d’un des plus grands ports du monde. Edg a faim et on s’arrête à un Burger King. Beaucoup espèrent l’implantation de ce fat burger store en France, mais sans se rendre compte que c’est vraiment de la daube. Les sandwiches sont secs, les oignon rings sont une bonne idée mais ça a pas d’autre gout que la friture fade, et toute la fontaine à soda a un gout horrible de javel. Peu d’internet car plus de batterie, le temps de voir la carte et d’annoncer à John, notre prochain couchsurfing à San Diego, vers quelle heure on débarque. J’essaie d’aider Edg sur les directions mais il me fait sèchement remarqué qu’il a pas besoin de moi, ça me vas et le double whooper me revoie vite vers la sieste.
Les black keys c’est pas terrible surtout pour dormir. Je me réveille alors qu’on est à côté de Newport Beach. On s’arrête en hommage à la série que Edg a bien squattée. Plus personne sur la plage, 5 :30, les poufs sont au maquillage et les surfeurs à leurs douilles. Je me baigne et l’eau n’a jamais été si froide, parait-il qu’avec le vent qui s’est levé elle perd facilement cinq degrés en une nuit. On peut voir les jacuzzis regardant les vagues derrière les baies vitrées des maisons qui bordent la plage. Du biff de partout, mais les maisons qui ne donnent pas directement sur le sable ont l’air plus modestes. Newport, rien qu’une ville américaine. Tout nu sous mon jean je prends le volant et met Sticky Fingers. On va passer par la route longeant la côte, on a le temps et envie de voir plus que la freeway directe. Brown sugar with rolled cigs. On a le temps de voir le soleil se coucher sur le Orange County et ses grandes maisons blanches de républicains. Les habitations sont presque continues sur l’ensemble de la cote. San Diego, dernière destination californienne. C’est dur, pas envie d’en sortir. Une fois qu’il fait nuit, on bascule sur l’autoroute.
John nous accueille sur le perron de sa maison et nous présente de suite son chien, Charly, comme le nouveau coloc quand je rentrerai tout seul à l’appart. Il discutait avec un gars un peu bourru qui se met à me parler en québécois quand John emmène Edgard choisir les binches. Il habite temporairement ici. On sent l’océan derrière la crête de pavillons en face de nous. Edg me ramène une PBR et John se moque de moi. Il a la cinquantaine et plein de photos d’enfants dans son salon, pas de traces de femmes pourtant. Il est informaticien en maintenance, trouve son job nul et vie pour le surf. « Personne n’bosse ici tfâçon, que dé fnaiant jte jur. Moi j’boss o black dans un resto de sushi, ét tou l’monde fé so. Pas un americain tond sa plouse tout seûl ici, c’est tous les mex qui font ço. Moi j’men fout si je me fais prondre j’rentrerai à quebec en autobus. » Ancien prof de yoga et toute la sagesse du Québec derrière ce magnifique accent idiot. Une fois qu’on a vidé la cave à bière de John, il nous propose d’aller au bar d’à côté, à pied, on passe dans une micro cours en graviers et John nous montre son arbre tricentenaire, qui est hors de portée des lampadaires et cache la lumière de la lune.
Ambiance Beach House décontract dans la pizzeria ou pas mal de jeunes chill. On prend une moitié de pizza pour deux, budget oblige, on prétexte qu’on a déjà mangé, et John paye ses pichets. La serveuse fait la pouffie devant nos cutie accents. Je rentre pour pisser et essaye de l’accoster en disant un truc drôle, elle ne me calcule aucunement. Tant pis, je vais pisser. Obligé de sortir sur la rue pour pouvoir fumer et si près de la terrasse, c’est illégal aussi, mais personne ne me remarque. Salopards, en France ça va bien dans ce sens aussi. John raconte des histoires de Couchsurfeurs. On a vu sur son profil qu’il a plus de 800 expériences dans l’affaire et prétend y avoir rencontré des personnes qui sont aujourd’hui devenues ses meilleurs amis. Il n’aurait absolument pas eu la même vie sans ce site. Ça me laisse pantois, c’est cool pour lui et ce système est vraiment une bénédiction. Sur le chemin du retour on voit des flics mettre les menottes à des gens sur la plage en contrebas. Content de ne pas dormir dehors ce soir.
Sorti de la douche et des couches de sel que j’ai accumulé ces derniers jours, j’arrive à la fin de la conversation sur Obama. John conclut et résume, tout le monde l’attendait, il aurait dû faire un truc bien, il a peut-être pas pu et il l’a pas fait. Je m’en tiens là. Demain John finit à midi et propose, si on est encore là, de nous emmener plonger pour voir des requins. On sait pas si on va prolonger le dimanche chez le vieux ou partir vers des trucs plus foufous, on lui donne une réponse floue qui lui convient. Dans la véranda où on doit dormir ça pue le skank, au début de par l’odeur et le nom je pense à la marijuana, puis on comprend qu’il s’agit de putois. Dommage. Je laisse le canap a Edg et prend les coussins, je préfère. Edg aussi aurait préféré.
jour21