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Jour 23


Levé à 8h du matin. Le temps sur la Jolla est un épais manteau de brouillard, gris et morne. Aujourd’hui, nous quittons la Californie. Le voyage dépasse une étape qui nous rapproche salement de la fin, même s’il nous reste un bon nombre de jours à passer aux states. Nous quittons le golden one. Personne n’est levé dans la maison. On taxe deux trois céréales, un peu de café et on rassemble les affaires éparpillées dans la pièce du haut, qui se résume essentiellement à la bouteille de Jack trônant sur l’avancé de la fausse cheminée et à nos pompes. En bas, on range notre p'tit lit d’amour. L’ordi de Mathiew est éteint, on peut pas checker internet et fait fi des réponses d’Austin, Texas. On ne sait pas trop comment se passera le wifi dans les Zion Mountains. Amélia nous attendra vers les 5pm à Saint George, Utah, c’est à une petite heure de là où elle crèche. On part par le coin des poubelles, choppant quelques fourmis charognardes et coriaces sur notre passage. On entame la route hardcore, suivre la Highway 15 jusqu'à St George, soit 8h sans stop. Pas une route très compliquée, mais il faudra repasser par Vegas. On a regardé, absolument pas le gout d’y retourner, mais c’est la seule route, le détour le plus raisonnable nous rajoute 6 heures. On va pas s’infliger ça. Dans trois jours on aura 25h de voiture à faire. Tant pis, la route est mythique, sa sera peut être drôle de repasser par un endroit qu’on a déjà vu. À peine en train de traverser la banlieue du feu San Diego, ça me prend. La CHIASSE, la virulente, les couteaux dans le ventre, qui résultent de trop de changement métabolique, d’une hygiène de vie pourrie & d’une presque cuite de la veille. Faut absolument qu’on s’arrête, le plus vite possible, avec mon système digestif vraiment bizarre et irrégulier j’ai pas chier depuis bien deux jours, et deux jours américains, ça remplit. Je me tords, le temps est trop lent. Là, un Starbucks au bord de la route ! On tourne, je me jette dans les chiottes. Je lâche tout. Au bout d’un quart d’heure, le mal est passé. Je me rends compte que, comme dans la toutes des chiottes ricaines publiques, y’a pas de brosse. Je regarde l’orifice, il est entièrement marron, j’ai jamais vu ça. J’retire un coup, on sait jamais, mais rien ne change. Je sors en me marrant, explique la scène a Edg, sans pouvoir décrire l’odeur à laquelle j’ai dû m’habituer, et rigole encore plus quand on voit un jeune actif entrer dans l’antichambre. Celle-là, il a dû la raconter illico à ses collègues de bureau. Muffin et deuxième café et on est reparti. Austin et muet, pas grave cousin, dans les deux cas on s’en sort bien. C’est la première fois qu’on s’y prend si tôt, on trouvera. On s’arrête acheter notre American Spirit, Edg n’en a pas encore fumé une du matin, je m’abstiens de peur de revivre une expérience douloureuse. Paré pour la route sur la 15th Freeway to Las Vegas.

From the West to the Mid

Le ciel s’est dégagé, et il fait maintenant grand beau. Dans la fraicheur matinale, on remonte une vallée cramée en direction de L.A. Le troisième passage dans la mégalopole sera le plus bref. On s’arrête prendre de l’essence à une station au milieu de rien. Notre vallée remonte pour se perdre dans les montagnes qui partent à l’ouest, celles qui doivent border la ville des anges, et la vue d’une géante courbe d’autoroute qui remonte les pythons secs, contrastés par le jaune des terres et le ciel bleu azur magnifique d’un matin qu’on ne connaît pas assez, nous rends comme si l’on venait de démarrer l’auto. The American Dream. Mon ventre va un peu mieux, ce bout de route m’a reposé, mais pas assez pour fumer. Edg me laisse le volant, et nous voilà repartis. Effleurant le bout de tissu urbain au large de San Bernardino, on plonge rapidement derrière la colline séparant le désert de la lumière. C’est reparti pour Las Vegas Parano. Dans la caisse, on écoute Neil Young, et Edg analyse les paroles de Out of the Weekend. Think I'll pack it in, and, buy a pick-up. Take it down to L.A. The woman I'm thinking of, she, loved me all up. But I'm so down today, She's so fine she's in my mind. I hear her callin'. J’attends la woman, roulant dans le désert, si ça se trouve elle est en train de nous doubler. Cette route faudrait la faire foncedée. La pensée aurait besoin d’un stimulus, d’un souffle qui pousse la réflexion vers des confins lointains, et transforme la moindre banalité en une extasiante et profonde vérité. Au lieu de ça, on lutte, on voit passer les miles, les maisons toutes identiques, on tourne une idée fixe dans la tête, sans la pousser trop loin. La fatigue, doubler, régulateur luxueux de vitesse, écraser des hérissons et écureuils sans aucun état d’âme, déjà tellement de morts sur ce sol aride, et le soleil qui tape contre la clim. Malgré l’influence de ce froid pas naturel, la chaleur gagne. Et la chiasse. J’peux pas me sentir bien, je suis sûr que cet air entretient mon mal. Je le prends bien, un voyage c’est pas un vrai voyage si on se tape pas au moins une p'tite chiasse. Plein de choses existent par et pour la route. Les villes comme Barstow sont construites toute en longueur, les rues toutes parallèles a l’interstate constituent l’élancé centre-ville. Au même titre que les habitations, encore plus stéréotypées, ces rues regroupent la vie commerciale qui est la seule empreinte caractéristique des villes, mais avec toujours les mêmes types de magasins, les mêmes chaines. Avant de claquer Vegas, on va se faire une bouffe dans un Motors Restaurant. Baker, on voit un gros Big Boy en plastoc, comme dans Austin Powers. On sort, c’est l’heure d’un bon hamburger.

J’en profite pour me vidanger. On commande un fatty burger, avec rajoutage de gruyère et de bacon. Sa passe tellement bien, mais les salades servies avec sont toujours plastiquement ridicule. Autour de nous, que des vieux avec leurs petits-enfants. À côté, un couple qui tire la gueule. Ça sent la poussière qui grince sous les dents. On sort du resto lourd, et on se reprend en coup de massue la chaleur étouffante du désert. Je choppe un smecta dans mon sac et rerentre dans le Big Boy. Je m’explique, j’essaye de gratter un verre d’eau pour mon médoc, cette conasse de serveuse me sert un verre 50cl avec paille, couvre-chef et masse de glaçons. Pas encore évident.. Edg prend le volant. Saint Smecta de plâtre fut avec moi. On passe dans nos têtes. Je regarde un film bien détaillé, Jacques et moi achetant un local à San Francisco et en y montant un bar. La belle vie, simple, avoir son commerce qui amène des soucis mais les partager à deux ou plus, faire des gigs, avoir les idées pour rendre l’endroit original, faire des relations pour avoir une clientèle, dormir dedans, se débrouiller, voire la vie comme elle vient. Prendre le temps. Cette idée qui trotte dans la tête, une fois mon diplôme bien reconnu en poche, se mettre à voyager. Pas de date de délai, se débrouiller pour bosser à droite ou à gauche, faire ce qu’on a absolument envie de faire. La liberté de l’horizon infini couplée à la sécurité de pouvoir se réinsérer dans le cadre professionnel une fois l’envie venue. On doit apprendre tellement sur tout, tellement plus qu’en faisant le jeune con classique, bosser, trouver une fille qui convient et emprunter pour l’appart, puis les enfants et la maison. Je n’y suis pas près du tout, et surtout après un voyage comme ça.

On en avait déjà parlé avec Edgard, il faudrait absolument que cette aventure folle reste quelque part. Je prends le bloc note en papier gras d’Edg et commence à écrire notre arrivé a l’aéroport de SF sous un ciel gris, à l’inconnu et à l’insouciance. 23 jours ont passé, et on retourne à Las Vegas en reconnaissant les passes montagneuses de l’aller. Même si un nombre incalculable de personnes les connaissent, combien aujourd’hui en ont déjà foulé la terre stérile, fouiner dans les recoins ? Les lignes droites infinies nous sont presque naturelles. On passe le panneau, ça y’est, on quitte la Californie pour toujours, ou jusqu'à la prochaine. De suite, les vieilles carcasses miteuses, sous un fond teint de plastique de plâtre et de peinture bon marché, les casinos sont rangés à la frontière de l’état qui a légalisé le jeu. L’entré odieuse au Nevada nous donne qu’une envie, de le tracer sans s’arrêter. Et surtout, ne pas foutre une tatane a Vegas. Les mêmes conneries qu’à l’aller sur le bord de la route, cowboy vs aliens, le casino avec le plus de putes, Raël et les magiciens qui volent, les babes avec leurs M-16, Céline Dion.. Non on s’arrête pas. Il faudrait faire des courses, et le réservoir est vide. Non, plus loin, dans l’Utah, une autre ville. Y’aura-t-il une autre ville ? La flemme de supporter les crétins cramés dans le mauvais sens, dans la chaleur fusionnante et statique d’aout en désert Pawnee. Une fois passées les silhouettes du Strip, on sort de la Freeway. On s’est fait avoir, mais on essaie de se persuader qu’on y était obligé. Station essence de merde, en tant que passager je dois sortir faire le plein, râlant de flemme, fout le dard dans la shnek de la voiture. Machinalement je tape le 2eme choix, mais cette fois le 2eme, c’est l’éco carburant à l’éthanol, pour les véhicules équipés uniquement. Je m’en rends compte au bout du 14$. On aurait jamais dû s’arrêter, saloperie de putain borgne. Edg plane dans la caisse, fondue sous la chaleur, il ne sait pas comment réagir. Si on est coincé ici ce soir on se pend. Remarque, revoir Beaufdef et Gras peut être fun. Il pourrait croire qu’on les a adorés. Cherchant une paille pour aspirer l’éthanol, Edg me conseille plutôt d’aller demander au guichet de la station-service. C’est plein de Végassien dégueu. Une queue de 10 personnes, des poivrots qui râlent, des grosses tatooé trash qui jouent à la machine à sous en sirotant un gallon de soda et autres images pleines de beautés. La vendeuse n’a aucune idée sur mon problème, et s’en branle, je paye mes 14$ et elle passe au client suivant. Personne de ce ramassis de zombies n’a la moindre idée, sauf une grosse kebla qui pense que ça marche. Dehors, je questionne un flic qui n’en a non plus rien à branler et me conseille d’appeler une dépanneuse. On va croire la kebla. Contact, sa s’allume, on roule doucement et sans musique, inch allah.

On va profiter d’être dans le crade pour aller dans notre premier Wall Mart. C’est autant immense que les hyper marchées français, mais c’est une autre ambiance. On se sent bien plus sollicité. On voit une grosse assise sur un chariot motorisé mettre un pied par terre pour choper un paquet de chips en bas de rayon. On achète de la Steel Reserve pour se faire mal. Un jeunot, gueule de pauvre, imper large, nous accoste en plein milieu du magasin et veut nous vendre du parfum po cher. D&G, JP Gautier et toute la clique du blanc bec de club. Avec nos gueules de mendiants qui ont roulé toute la journée, on lui montre la bière qu’on est réduit d’acheter. Il s’exclame, c’est aussi sa bière préférée. Il nous remercie et nous souhaite un bon mal de tête, avant d’aller ouvrir son manteau devant d’autres jeunes. À la caisse, une jeune fille nous enregistre la marchandise, mais pas les binches. Elle ne les écarte même pas, pour ne surtout pas les toucher. Elle n’a pas 21 ans, et la politique de Wall Mart est ferme. Pas touche à l’alcool. Une autre serveuse vient nous les encaisser. C’est tellement con, comment créer un fruit défendu pourtant si accessible. Pas étonnant que les ricains commencent à se mettre des races à 13 ans. Ils ont vraiment rien compris, ces gros débiles. Allé, on se tire d’ici vite.

Retour dans le désert, on poursuit la 15 au nord de Vegas sur une roue libre de Bob Dylan qui calme de l’empreinte bouillonnante de connerie de cette cité du sois disant péché. Du fric et du gâchis, oui. La voiture avance normalement, je n’sais pas si c’est la fausse essence d’écolo qui fait baisser l’aiguille du réservoir plus vite, mais tout marche, et on se rapproche des murailles qu’on imagine a l’autre bout du désert du monde quand on est planté a cochonnailler à Las Vegas. On évite les pitons rocheux qui sortent du sable terreux, passe un millième de miles en Arizona. Un Hell’s Angel nous double sur sa Harley proutillante et fait vibrer notre caisse. Un bloc de roc orange gigantesque se dresse, la route semble devoir s’y écraser dessus. Finalement la route trouve un chemin dans la falaise, se faufile dans un défilé ou passe une rivière, et ressort de la passe dans l’Utah, le pays des mormons. Ceux qui ont failli foutre la jeune Blakely en taule pour un chichon. Là où l’état gouverneur est envahi par l’église définîtes comme ultra conservatrice. À deux heures de Vegas, à dix de SF. On traverse un paysage bossu et aride, quelque forme de prairies, et nous voilà à St Georges. Si l’on enlève Salt Lake City, 80% de la population de l’Utah et de confession mormone. J’ai appris leurs existences dans South Park, je n’y connais rien sinon, mais selon le routard, ils ont l’air encore moins ouverts que dans le dessin animé. Ils ne boivent pas de thé et de café à cause des produits qui modifieraient le comportement, et se gavent quand même de coca caféiné. Ils prônent une vie d’entière préparation au paradis, alcool, drogue, cigarette, sexe, viande rouge.. proscris. Pas le droit aux jeux de hasard, mais ils ont quand même le droit de travailler dans les casinos de Vegas, de servir de l’alcool dans les bars. Ça pue l’égoïsme de coincé du cul, de mecs détestables. Edg a appelé Amelia, et pas de réponse au message sur le répondeur. Au Starbucks, rien sur facebook. On rentre dedans pour patienter. On sent qu’on glousse sur nous. On est sale et déguenillé, la journée dans la voiture, puis on est maigre et français. J’suis sûr que c’est la vue de Edg qui fait passer aux yeux des moutons l’image de couple gay. La serveuse prend un fou rire en nous parlant, et sa collègue la coincée la suit. On comprend pas, on connait pas encore cette espèce d’américain. Les autres clients ricanent eux aussi. On se fait servir, Edg va aux chiottes. Je veux y aller aussi, pousse la porte croyant que ce taudis de merde comporte un rack de chiottes, et non, il n’y a qu’une pièce, l’endroit d’Edg est verrouillé et je ne peux aller plus loin. Le peuple du Starbucks le savent, pensent que je voulais lui tenir la teub pour qu’il pisse, ou même le torcher, vas savoir, les gens sont tordus de nos jours, et la salle éclate de rire. On se sent pas mal à l’aise, les culs terreux sont pas encore au point de vouloir nous rosser, c’est juste mignon. Mais heureusement qu’on n’est pas kebla. Ils auraient commencé à avoir peur pour leur pauvre vie si durement entretenue, cette propriété intimement privée, cet ensemble vital et indivisible. On est juste des bouffons qui iront en enfer de toute façon. Pauvre de nous.

On décide, après 30 minutes à avoir amusé la galerie, d’aller a Springdale. On verra si Amelia décroche en route. Un quart d’heure après être sortie de St Georges, on quitte enfin la 15, des falaises immense et rouge commencent à pousser de la terre toujours aussi sèche. La route monte en altitude, la température est devenue idéale, on fume du American Spirit les fenêtres grandes ouvertes, en écoutant les compils. On prend notre temps, pourtant nous double violemment une meuf qu’on voit râler. Si tous les individus de l’Utah sont si cons, j’ai pas envie de voir la police.. La vallée prend son existence évidente, se resserre et s’élève, et une heure plus tard, nous voici à Springdale. Le soleil est en train de se coucher, et les falaises en sont d’autant plus rouges. La ville a l’air calme, une station pour touriste sans trop de barioles desdits qui pourrait fourmiller et inonder la montagne de non-authenticité et qui la ferait voir dans sa superficialité. Là ça a l’air plutôt calme, ville mignonne, pas suraménagée. On rappelle Amel, toujours rien. Planté sur le parking discret du seul petit centre commercial. En lisant pour la première fois le routard sur San Francisco, tout ce qu’on a en pas encore fait en Californie, Edg a un doute. Check sur les photos de Facebook, il a pas recopié le bon numéro. Boulette, on a du faire flipper une pauvre p'tite mormone de message de Français qui veulent squatter chez elle. Amelia et son vrai numéro répondent de suite. On se met au point comme quoi on l’attend ici. Toujours aussi chiant de parler au téléphone. Un quart d’heure plus tard, il fait nuit, et Amel arrive dans une grosse vieille berline bien américaine. Elle nous a attendus à St George, et a cru nous avoir doublés sur la route. “You guys were driving soo slow, you tourists“. Amel est fine, blonde, les cheveux très longs, un cou qui descend en décrescendo violent. Elle est complètement à deux à l’heure, on dirait un personnage de dessin animé. Elle a des manières si majestueuses et grandiloquentes. Elle se touche le goitre, lève les yeux pour réfléchir, plisse la joue gauche, et finalement c’est pas grave d’avoir fait l’aller-retour, elle n’avait de toute façon pas grand-chose à faire. Son surnom est facile : Chéper. Elle est trop chéper. On la suit chez elle. “Careful the road will be steep uuh youhou, I’ll drive slowly for you to follow me, hihi“. Au début du long village inséré dans l’étroite vallée, tourne une mini route sur le côté, qui longe des caravanes et peu de temps après devient un chemin de terre puis monte à pic dans la pénombre. Arrivé sur du plat, le chemin de divise en 3. On suit Amel sur deux intersections similaires, puis on arrive devant une maison éclairé, avec trois voitures déjà garées devant. Je me demande si c’est une communauté. On sort, se fait accueillir par deux chiens petits et gentils. En fait Amel est toute seule, et ne connaît pas cette maison. Un jeune couple de hippies est parti emmener leurs enfants en vacances, et avaient repéré que Amel squattait dans les environs. Ils lui ont demandé de garder la maison, s’occuper des chiens, des chats, des poules et des lapins en lui permettant de vivre ici, de taper modérément dans le frigo et la réserve de légumes du jardin, et même d’inviter des potes à dormir. On est donc là, Steel Reserve et JackyD en main.

C’est Amel qui pose la question cruciale : “Do you guys smoke weed ? “ C’est ce qu’on voulait lui demander aussi, bien sûr qu’elle en fume, bien sûr que nous aussi. Louée soit-elle, la beuh, qui déverrouille le cerveau à la réflexion profonde, à l’extase simple sur la complexité des choses, et les dessins du monde. Nous commençons à savoir qu’on est née sous une étoile vraiment à la cool. La maison est immense, dans le salon se trouve tout un concert de rock, une batterie électrique, une basse et son ampli Hartke énorme, une Strato et une Tele, avec un ampli a ampoule de chez Marshall d’un bon mètre de haut. Deux trois sèche, un clavier, un micro, la hippy family jouent de la musique en famille et entre copain. La maison est construite à contrepied, un deuxième étage comporte une super vue sur l’autre côté de la vallée. Dehors, il y a des vieux tapis incrustés dans le sol, accueillant hyper bien nos fesses pour gouter la pipe d'Amlia. Elle a un réservoir de beuh assez important, elle garantit de nous garnir nos spliffs. Elle nous propose d’aller faire un tour sur le rebord du plateau.

L’inconvénient avec la Steel Reserve, c’est qu’elle se boit très bien quand elle est très fraiche, mais dans un pays chaud comme l’ouest des US et la dose importante d’alcool qui force à ne pas l’engloutir comme une limonabière, la bière inexorablement se réchauffe avant la fin, et devient impossible à terminer. De la chaude Steel Reserve, c’est vraiment pas pour les pédés. Il y a de l’électricité dans l’air, de la vraie. Des éclairs illuminent les montagnes de l’autre côté de la vallée. Les flashs sont puissants, les explosions sont violentes et vont se cogner sur toutes les parois des Zion Mountains. Chéper n’est pas inquiète, elle nous emmène à un coin ou l’on devine les lumières de Springfield, et il n’y a aucun arbre qui nous bouche la vue sur tout ce qu’il se passe en face. Comme toutes les meufs intéressantes qu’on a rencontrées, elle ne fume pas de tabac. On se cale une indus qu’on a acheté a Vegas, ce qui fait paniquer Chéper. C’est pas nos plaisanteries sur les mégots qu’on va jeter et qui feront cramer toute la végétation aride, c’est qu’on a pas le temps de fumer une clope, là, la pluie arrive. On finit en marchant, et les éclairs nous gagnent juste au moment où on arrive sous le porche de la maison. On pourra plus que fumer les pipes, les hippies étant eux aussi non-fumeurs. C’est sûr qu’à voir l’échantillon de ricains fumeurs de tabac qu’on a eu, après hier, c’est devenu beaucoup moins cool. Chéper a amené ses petites enceintes d’ordi, on met successivement du son. Elle est pas difficile, pas arrogante sur ses choix, mais aime les bonnes choses. Je sirote mon p'tit verre de Bourbon, puis on ne tarde pas à trouver le chemin du canap’. La journée de route nous a un peu cassés, nos duvets restent même dans leur capote. Amel monte se coucher à l’étage. Les chiens se calent au pied de notre canap. En me couchant, je me rends compte que non, j’ai pas envie de dormir. J’ai encore du feu à bruler. Je vais aller dans la voiture, mettre du son et écrire. Comme un dément. J’écoute les Beatles, j’ai l’impression d’écrire des trucs trop profonds avec des jeux de mots à chaque phrase. Ça me plaît finalement, cette idée de journal souvenir. J’avais essayé de faire ça pour l’interail de l’année dernière, mais m’y était pas tenu. Là je le sens mieux venir. Quand ma soif d’action soudaine se calme, je gagne sereinement le canapé. Il ne pleut plus. On voit les étoiles par la fenêtre. Les chiens ronflent.

isItReal?