D’un sommeil discontinu, j’ai quand même très bien dormi dans le hamac. La dose fumée hier soir a dû beaucoup y jouer, et puis j’ai eu assez chaud au cul de toute façon. La boite gay hier, le massage de pied qui tend à déraper en gang bang avec Edg l’avant-veille, ça va hein ! Au moins, ce matin, en me réveillant, j’ai une certitude : Je n’suis pas gay. Cedrico nous démontre la petite routine, p’tite douille, puis il va nager à la piscine, pendant qu’on dort encore comme des gros sacs. À son retour, qui correspond généralement à notre réveil, il nous engueule gentiment, avant de nous faire passer le bang. C’est bien beau de se laisser guider par le flow, mais on attaque notre 3ème jour a SF, sur 7, on a aucune idée d’où aller après, et ce pendant 40 jours de notre périple ou on doit quand même traverser un continent. Et pour ce on doit acheter une bagnole ! L’endroit est vraiment fantastique et de rester ici plus longtemps ne nous ferait pas chier, non, mais on a aucune stabilité. Cedrico a l’air d’être une petite industrie du CS, et on s’auto saoulera vite. Puis c’est notre seul truc qui est défini, de bouger. 1 semaine à SF, on doit être partie dans 4 jours, c’est comme ça ! On reviendra ici pour y vivre de toute façon.
On se met donc en route pour chercher notre bureau temporaire, un p’tit coffee shop de mission, pas très loin. Cedrico nous laisse le Notebook réservé aux invités et prend son joli MacBook pro. Sur la route, RAS, Mission District. Il y a quelques années, ce quartier très grand, au sud, mais bien ancré dans la ville était un petit ghetto, mais avec le flambement des prix de la presque ile, les environs se sont calmés. Et puis l’hipster est arrivé, sentant peut être un parfum bohème, les prix moins chers et la convivialité latino. On tape une causette avec des pompiers pas pressés, qui ont l’air en intervention ou en exercice. On mate les graffitis, les Mexicanos qui passent, les p'tit hipster en vélo à pignon fixe, tout barbu. Le coffee est semblable aux autres cantinas, on a compris que ça serait notre plat du midi, on prend une omelette, sa purée de haricots rouges, sa viande mixé, et on se met au boulot. Cedrico nous donne les infos pratiques, tout en bossant le design de son CV et de son site professionnel. Finalement d’après les cartes, le routard et l’internet, le voyage ressemblera à ça :
Bon déjà, Yosemite j’en avais jamais entendu parler, mais ça a l’air d’être un endroit beau. Les montagnes hautes, les feux de bois dans les rocheuses. Puis, on doit aller à Las Vegas, voir ça est obligatoire lors d’un séjour dans le grand ouest. Et en passant, y’a la Death Valley non ? Allez, emballé. Puis on a qu’à prendre la route mythique qui conduit à Los Angeles. Tant qu’on y est, descendre jusqu'à San Diego et le Mexique, ça doit être dépaysant là-bas. On aura fait la côte californienne dans sa grande partie, mais on ne ferait pas Big Sur. Edg lit le bouquin de Kerouac pour rien, surtout qu’il a l’air complexe. Grand Canyon, faut voir ça tout de même. Cedrico envisage de nous y rejoindre avant d’aller en grandes vacances à Mexico. Albuquerque, pour nous faire une pause dans la traversée du continent, apprécier le désert, et on se finit à Lafayette. Et on fait même une prérépartition des jours, avec les jours de flottements tant qu’on y est. Pour les voitures, Cedrico nous file le site où tout se vend et s’achète aux US, l’a priori très indépendant Craigslist. Edg lorgne sur des voitures un peu dégueu et petites, dont Punto et Focus. Mouais, c’est vrai qu’on est pas pété d’oseille, et ça sera pas ma voiture, mais celle de Manon et Edg (on envoie les 4 liens à la dernière, mais juste pour faire bien). Dans le quatuor de tête se trouvent une wolkswogen (avec cette orthographe) d’un modèle pas trop connu, une focus de 2003, une Chevrolet Cavalier de 2001 et une Daewoo un peu trop américaine. Elles ont toutes à peu près 10 ans d’âge et coutent 2000$ US. On appelle les vendeurs, personne ne répond. On laisse des messages. Bien bossé, on glandouille sur les Facebook des potes, on donne des p'tites nouvelles diluées. On passe trois heures dans l’endroit, et bien content de nous, on prend le chemin de la maison. Sur la route, Cedrico a un coup de fil de son bureau qui lui prend un gros quart d’heure. On le laisse parler, il parle trop vite pour qu’on ait envie de comprendre de toute façon, on gazouille devant les maisonnettes si mignonnes de ce quartier latino d’adoption. On y est vraiment chez soi et c’est naturellement l’endroit le plus ensoleillé de la ville. Quand Cedrico raccroche, il nous raconte l’embrouille assez vite et pas hyper compréhensible pour nos esprits qui tournent un peu trop qu’au pétard. À la bougie. En gros son patron fait, ou lui a fait, ou va lui faire un coup pas réglo, et Cedrico en a marre. Il a passé l’éponge une fois, pas de numéro 2. Il nous annonce d’une voix très posée qu’il a pris sa décision. Après 4 ans de services dans la structure, demain, il va planter son boulot, et verra ce qu’il peut faire après. Il parle de monter son truc, d’où le site web. Il nous en reparlera, mais comme il parle vite de ses concepts de marketing social et commercial, on capte pas tout du tout. Chez lui, mini douille, son étage pue la beuh parce que son coloc aussi en fume. On l’entend d’ailleurs jouer de la guitare. Il faut qu’on continue le boulot, qu’on recherche les possibilités de dormir dans le très touristique parc du Yosemite. Le plan est de dormir pas loin le tout premier jour, El Portal, Groveland, mais plus probablement Sacramento ou les bleds de la plaine, et de se lever suffisamment tôt le premier matin pour aller chopper un camping sans réservations. Les ricains aiment bien les gens comme nous ; le service du Park laisse quelques campings entiers où toute réservation est impossible. Le premier qui y arrive le matin est donc servi ; alors que tous les autres campings de la Valley affichent complet depuis des mois. À Sacramento, y’a des meufs couchsurfeuse qui ont l’air grosses mais cool. AAhhh, ça fait du bien de travailler un peu, on a un plan pour la suite, ça nous met la forme. J’attaque une petite sieste bien méritée.
Cedrico nous réveille à 5:00 pm et nous dit qu’il doit bouger dans un quart d’heure, comme la veille, pour aller nager. Peut pas être plus tranquille lui ? Pendant la sieste, une grande nouvelle. Le propriétaire de la Chevrolet a répondu et est prêt à nous faire visiter sa vago à Balboa Parks, un quartier résidentiel de SF plus au sud. Cedrico nous propose d’aller visiter la voiture avec sa zip car, après sa natation. Comme il a bien vu que ça nous a saoulés la veille, il nous propose de l’attendre au Dolores Park, le seul de SF où sont tolérés le tabac et l’alcool. Ça nous va très bien, fumer une longue tige dans un Park ricain, ça fera notre revanche, et c’est bien comme ça qu’on conçoit la vie. Et c’est juste à quelques blocks d’ici. On voudrait bien de la beuh aussi, on aimerait bien fumer sans taxer tout le temps, c’est pas très cool pour Cedrico qui doit déjà nous supporter. Et bien qu’on soit bien pressé, Cedrico appelle son contact et est livrée par un gangsta mode gros Cypress Hill en 3 minutes chrono ! Sur, plus rapide que les pompiers ou les keufs. C’est parfait. On lui prend 40$, un nombre d’une unité bizarre, et on s’en va au Dolores Park.
Edg me drive bien sûr, c’est traitre de se faire traiter comme ça. On se sent femme, mais c’est agréable. Premier ciel bleu complet sur SF. Le parc, qui nous affiche un panorama idéal sur les buildings du Downtown est en travaux. Pas bô. On traverse jusqu'à l’endroit dégagé, et s’installe au milieu de plein de petits groupes de jeunes gens qui y fument, y boivent, font de la musique, du sport de plage. Tous ont le sourire. On sort la petite pipe en bois fétiche de Cedrico, il a concédé à nous la prêter pour pas qu’on ne foute pas de tabacs dans nos pauvres poumons. Elle est trop jolie, un capuchon coulisse pour boucher le brasier. Tu peux la fumer, ce qui doit te prend approximativement 7 secondes pour un utilisateur expérimenté, et la ranger dans ta poche juste après. C’est faisable absolument partout, excepter pour l’odeur. Mais on est un peu flippé. On a pas l’habitude, avec ce putain de vent, puis dans un Park ricain ?! Edg est à la limite de la clandestinité, deux jours avant on s’est fait vider nos bières et écraser nos clopes alors presque seuls dans un parc soviétique immense.. Mais bon, tout autour, tout le monde semble le faire.. Allons y. tschhhh, bim badaboum ouhouhou.
Une sorte de vieille hippie en cuir qui a bien muri 50 ans se pointe et nous propose de la drogue : « Wanna MD ? Acid? pleins d’autres mots qu’on comprend pas ? – No thanks, we’re good with weed — Aaah, you want weed? — Thanks, we’ve got our own! — Fuck ! How could you give me money? “ C’est tout ce qu’on a compris vu le ton de la phrase, qui amène un niais sourire accompagné d’un rire jaune chinois. On communique avec 95 % des clodos comme ça, ils parlent vraiment avec un dur accent. 5 minutes plus tard, deux petites jeunettes, look assez sage, viennent se caler à côté de nous. On discute, raconte le voyage, nos vies publiques respectives. Même si elles ont pas trop la gueule à ça, elles viennent d’acheter de la weed à la vieille en cuir. Elles nous font tourner leurs pipes, on roule un spliff. L’une d’elles, la moins mignonne, mais celle qui semble le plus vibrer, sera à Vegas en même temps que nous pour y faire un concert. Putain trop bien !! un concert prévu à Vegas en connaissance des artistes.. On demande quel groupe le plus proche du leur, on en a tous un. Dirty Projectors. Ça c’est cool, j’en ai mis une excellente dans mes compils. 10 minutes plus tard, 30 après notre entrée au Dolores Park, on dit au revoir à Linnéa et sa pote. Kaput. On se trouve un peu stupide. Tellement explosé qu’on se pointe au point opposé d’où Cedrico nous attend. Ce qui le fait patienter pendant 30 min, qui lui fout bien les boules et renforce notre image des ptits français. Do-oommage. Ça ne nous atteint peu. On est explosés aux manettes et on s’en va acheter une voiture. On prend la fin de Market, passe sur le Shaughnessy Blvd qui grimpe la colline et on se retrouve face à une toute la presque île, sur fond bleu entre la mer et ciel, c’est génial. Cedrico a surement dû voir qu’on était foncedé, il est branché et nous fait signe d’écouter la radio, un truc qui le passionne. Une émission sur une équipe de chercheurs moitié geeks qui travaillent à modéliser parfaitement un cerveau humain, dans de toutes petites puces. Ça semble pas le choquer du tout. C’est l’évolution. Y’a 15 ans, on avait pas internet, pas de zip cars, et y’a 60 ans y’avait même pas la télé. On restait plutôt dans son chez-soi et on appréciait les choses simplistes. Pas le courage, ni l’envie de bonimenter, je préfère partir vers les filles aimantes et aimables, toutes les vies possibles ici, les directions prises, celles à prendre ; bercé par le filet de marijuana qui me reste dans le nez, l’infecte, fait plaisir à mes pensées et congratule tous mes organes.
On arrive au parking du Wall Mart, le point de rendez-vous, avec trois bons quarts d’heure de retard. Le mec y est pas et répond pas à son téléphone, on pense qu’il est reparti chez lui. Putain, on a essayé de l’appeler pourtant. Le portable sonne, il l’avait laissé chez lui et était juste retourné le chercher. Pas les seuls à être retard. Il se ramène pas très longtemps après, on profite du laps de temps accordé pour se concentrer. C’est un p’tit pépère en sweat des Giants, l’équipe de baseball de SF championne de l’année dernière, un gros bide, le sourire sous la moustache, la casquette noire usée. Bien gentil, il propose de faire tester la voiture. Cedrico n’est pas intéressé par la mission, c’est notre bagnole, et sa retombe sur le pilote le plus expérimenté, moi. Mais bon, j’y connais rien en ricaine automatique.. En bagnole non plus d’ailleurs, et j’suis foncedé à m’en faire péter le front. J’atteste donc qu’elle va très bien. C’est vrai, aucun problème de conduite sur le parking, on est parée pour traverser les States ! La caisse a, soit, un intérieur un peu vieillot, mais on s’y sent chez soi, deux portes, grisonnante, mais pleine de moquettes toutes douces, de la moquette améliorée. Des huisseries en plastic vulgaire, cassée à des endroits insolites. De l’extérieur, elle a une coupe sportive, la peinture noire est rongée sur pas mal d’endroits, un sticker SC collé à la vitre arrière qui est orientée en position de four solaire. Je l’adore direct, Edg aussi. Cedrico n’y voit pas d’objections. Soyons cons, on la prend !! Bien sûr, ici tout se paye Ca$h. Y nous en reste pas suffisamment dans les économies de Françoise, on file au distributeur retirer des ronds. Edg retire le maximum pour son passage, et a besoin de ma carte, et je pinaille. Je suis tellement défoncé et dans un autre monde bien plus fantastique que cette banlieue pavillonnaire que je ne peux pas me rappeler de mon code de carte bleu. Au bout de 6 essais ratés, je me demande pourquoi ils ne m’ont toujours pas bloquer ma carte enfin je comprends pas trop ce qui se passe, je rentre à la voiture bredouille. J’mâchonne une excuse comme quoi c’est la machine qui bug, je me comprends très bien, mais je m’imagine pas crédible du tout. Heureusement, Edg et sa carte d’or peuvent retirer bien plus en une journée, juste en plusieurs coups. Faudra qu’un jour je me rappelle de ce code. On retourne au parking, avec 1900$ en petites coupures. Oui, le mec nous a avoué qu’il fallait la faire réenregistrer la caisse à la DMV et cela coute 100$. Réglo ! Plus, il est allé nous remettre un p’tit peu de gaz. Il a dû aimer que sa voiture aille plus loin dans les terres qu’elle n’était jamais aller, en compagnie de ci gentils garçons. Vente conclue en 30 minutes, nous voilà désormais propriétaires d’une charmante Chevrolet Cavalier de 2001 noir classy/sexy/trashy et on va s’amuser dedans.
La vie est belle. On redescend tous les deux dans notre nouvelle voiture, le boulevard qu’on a pris tout à l’heure, cette fois on est en face d’un coucher de soleil froid berçant la presque ile. On fume une clope, on met la radio ou Pitbull veut qu’on lui donne tout ce soir. Le son est à fond, on est foncedé, assez pour se laisser porter par cette route américaine, pour la première fois à conduire sur ailleurs que notre douce France. C’est pas si dur. Bien sûr on se fait klaxonner, personne ne nous a reconnus, mais notre conduite est peut-être un peu chaotique.
On zone une demi-heure sur le parking de la station service, toujours fumant et attendant Cedrico. Quand il arrive, il nous félicite tout d’abord pour l’acquisition, on est plus propriétaire que lui sur les terres US. On s’est vachement bien débrouillé pour l’acheter en un aprèm ?! Non, nous rétorque-t-il, aux States, t’as les dollars, t’as plus aucune entrave. Les papiers on s’en fout, l’administration fait pas chier, l’important c’est le Dollar. Il nous annonce que le jour du 14 juillet à SF, c’est la Bastille Day, comme en France. Dès qu’un ricain entend quelqu’un parler français dans la rue, on lui doit un gros bisou, ou une bise plus solennelle. Et ben très bien, allons-y gaiement ! On passe quand même par la maison, histoire de se remettre une mini tournée de douille. C’est un problème avec la weed. Pour scientifiquement partir en couilles, c’est une courbe de type (1- exp). Tu fumes un peu, tu montes direct, mais à la fin du 7e ou 15e pétard, tu verras peu la différence. Par contre cette courbe redescend très vite, et faut beaucoup réalimenter, mais elle explosera peu souvent, si les jambes et la tête tiennent. Tout ça pour dire que malgré la quantité, la qualité californienne suprême, on reste dans une défonce déraisonné, mais raisonnable. On ne se mettra pas à lécher un lampadaire en pleine rue piétonne en prétendant que c’est une canne que Charles Kaine aurait empruntée au medium House. On est plus des gosses. Rechargé, on prend le BART pour aller en centre-ville. Oui, on aurait pu prendre la voiture, c’est pas la douille qui dérange tant que ça, mais faudra la garer là-bas. Et Cedrico est mexicain, on va pas lui laisser la bagnole, ou il va se casser direct et la revendre à Tijuana, et si c’est pas lui qui le fait c’est donc ses frères. C’est comme ça que sa marche en Californie, et mieux vaut pas trop le tenter à lui mettre des clefs toutes brillantes d’un bolide génération 2000 pétante d’allure. Bon dans la station, il arrête pas de se foutre de la gueule d’Edg. Moi aussi je m’en moque c’est vachement compréhensible, il a sa petite marinière, American Apparel, mais marinière, un bonnet bleu marin et une gueule mal rasée, sa blancheur caractéristique, les yeux presque aussi rouge et bleu que ses lèvres sur d’épaisses cernes. Parodie officielle du Frenchie de la Bastille Day. Ça l’énerve. Même si il aime pas que je me foute de sa gueule, on voit clairement que Cedrico commence à le faire chier. Il est super gentil avec nous, nous aide énormément, et sans juste penser à nos p’tits culs, il est extra et très intéressant. Mais il cherchouille, il taquine, il se pose sur un piédestal, il a 29 ans, c’est normal. Je m’imagine à sa place. Mais on est pas dans une relation de p’tits frère ou on se fait paterner, mais on est pas à ses ordres. Même si ça nous arrange extrêmement bien, des fois c’est un peu lourd. J’aime être avec mon p'tit Edgroutte chéri. Et c’est clairement lui que ça emmerde le plus.. C’est écrit sur papier. Dans le BART, Cedrico nous demande trois fois chacun de lui rappeler les, ou les paroles de la chanson phare du club gay d’hier. Edg refuse de lui dire «I want to Fuck You in the Ass», ça déçoit Cedrico. Moi mon esprit déjà violé et drogué s’en branle.
On rentre dans une rue étroite, raisonnablement même vue la configuration des lieux. C’est mignon, tout pavé comme la rue des Martyrs de Vingré, et c’est là où tout est censé se passer. De grands drapeaux français sont suspendus ou font le lien entre les deux façades d’immeubles, des gens dansent bizarrement devant une sono de chambre d’adolescent, et il n’y a pas encore grand monde. C’est surement encore l’heure du restaurant. On décide de descendre la rue, en se faufilant dans la marée de monde que les terrasses grouillantes de couples assis et de « garçon », dispersent en rouleau. Tous les serveurs sont d’ailleurs en marinière, quelquefois agrémentée d’un béret, ça met pas Edgar à l’aise par rapport a ce qu’on lui disait dans le métro et ça en devient super drôle. D’un coup, l’idée lumineuse. On va payer un bon resto français à Cedrico. La weed nous a donné une trop grande dalle, puis c’est vraiment l’occasion de le remercier de son aide pour cette journée-ci porteuse de projets. On réfléchit pas plus et rentre dans le premier resto en face, blindé, comme tous les autres. Attente à la réception, les serveurs ne nous prennent pas en considération, et on remarque qu’il y a que des homards, écrevisses ou autres pièces de viande raffinées qui flottent sur les plateaux. Moins sur de nous, notre pape Cedrico intervient : « Guys, sa me fait très plaisir que vous m’invitiez au resto, mais êtes-vous sur de vouloir lâcher 150$ pour manger des crevettes ? Vous venez d’acheter une voiture, certes, ça vous a couté cher non ? Et regardez-vous : Vous êtes bien trop foncedé pour faire des choses sensées. Arrêtez le délire, on se casse d’ici ». Merci titi. Putain, on est naïf quand on a fumé. J’ai jamais bossé, j’aime pas ça gâche le temps, je fais avec ce que j’ai maigrement gagné pendant mon stage coupe tête dont je sors juste, ce mes parents me donnent et peu de dépenses inutiles. La vie n’est pas forcément chère quand on sait faire des concessions, mais je n’en ai pas à revendre et j’étais d’accord pour filler bien trop de rond a des faux français plus péteux que les originaux pour un truc même pas vraiment bon. Je suis sûr que c’était pas vraiment bon. Mais l’histoire est la même, pas d’argent à chier par les fenêtres a caca des restos français. On remonte la rue vers la sortie ou on c’est introduit, toujours personne devant la mini hi-fi. Un couple bizarrement bourré nous fait un bisou, ils n’ont surement pas compris qu’on râle. C’est pourave comme fête des français, on n’est pas que des bobo qui bouffent des dollars dans des restos d’arrière-cour ! -1 pour Cedrico. Mais pour restaurer sa grandeur, il nous propose un plan génial. On rentre à Mission, on bouffe là-bas, on peut si on a le temps se refaire une douille, et on va a la première d’Harry Potter 7 et les reliques de la mort, partie II. Sortie le jour même, c’est sûr que ça va être un plan ultra cool !
On y arrive plutôt bien, a ce plan. Sorti du BART, on passe devant la maison avec la crame une douille, on va dans le restaurant mexicain. Cedrico nous conseille de nous prendre un burrito à la langue de bœuf. Edg le prend, moi j’aime pas la langue. Il est surpris quand je lui dis, lui qui croyait que son peuple moustachu était les seuls à manger des langues de bœuf, à des français. Nous on la bouffe pas hachée, bien propre avec la forme de la langue et le gros muscle qui articule derrière. Et une persillade aillée et huilée, pas dans une galette de blé avec de la purée d’haricot rouge. Peone, moi j’aime pas de toute façon, c’est trop gluant. Edg trouve le burrito pas fameux, mon plat de poulet chili se laisse manger. Idée brillante. Je vais appeler Cedrico Papa, comme prévu ça fait un moyen de pression parce qu’il déteste ça, à un point que sa en est presque étrange. J’ai trouvé quoi dire pour lui faire chier. On repasse dans l’autre sens, se sent obligé de refumer une douille en repassant devant chez Cedrico. On se fout en retard pour le métro et donc pour le ciné. Arrivé dans la bouche, on entend cette putain de chenille de fer se casser en Downtown sans nous. Le prochain, 25 minutes. Ben on va attendre.. Cedrico doit réfléchir et nous fait ce reproche-là. Les mecs, vous faites tout au hasard, un jour ça va foirer et vous allez vraiment être dans la merde. Ce soir, le film aura commencé et on va être dégouté. Edg lui réplique ceci : Ben on pense pas a si ça va couiller, parce qu’on sait que sa couillera pas. On l’aura, comme on aura bientôt tout ce qu’on voudra, parce que, on le veut ou on l’exige même, mais on l’exige en partie à nous même. Pourquoi ça couillerait, les gens sont pour la majorité gentils, on l’est, on est suffisamment malin pour pas se foutre dans une merde irrésolvable, et dans le pire du pire des cas, on pourrait recevoir les sous pour s’en sortir. Puis on est dans le pays de la liberté non ? Le film on l’aura, et je pense pas qu’on ait de problème cet été, la chance se provoque.
On arrive à l’immense multiplex Gaumont, le film commence dans 10 grosses minutes. On a réservé la dernière séance à minuit et demi, en faux 3D puis qu’il ne restait plus que ça, mais on est bien assez fracassé pour que ça soit magique, ces Advada Kervadra passant juste au-dessus de l’épaule. Cedrico, en bon ricain, veut acheter du popcorn. Il y a encore quelques personnes qui sont dans le contre hall de la salle et achètent des cochonneries. On va réserver les places. On passe l’une des portes de la salle, et on ne s’attendait pas à ça. C’est vrai oui, on est au U_S_A. J’ai jamais vu une salle aussi grande, entièrement remplie, la moitié est déguisé en sorcier ou en monstre, sa bouge dans tous les sens et pas de sièges apparemment libres. On essaye de s’approcher des quelques places vacantes, mais ils sont tous occupés par des mecs qui pissent ou achètent de la merde. On doit être les derniers à arriver. Pas partie pour se prendre la tête, on se pose sur les marches de l’amphithéâtre en rigolant très doucement. On est intrigué ! Putain tous ces mecs qui s’excitent de partout, ils font peur, on dirait des Zauberer nazis. La lumière s’éteint vite, et on a bien sûr le droit à une fournée de pub de chiotte. Pour le cinéma, ils pourraient filmer des trucs décents.. On voit la silhouette baraquée de Cedrico qui se ramène avec son bucket de popcorn, tout content de nos sièges on lui fait des grands signes. On va pouvoir être à côté comme ça mec. Il panique en s’asseyant, nous disant qu’ici on n’a pas le droit de faire ça. Et pourquoi pas ? À cause des normes incendies, nous dis la vielle peau de gardienne de salle. Si les connards gavés au popcorn sont plus réactifs au siège qui crame à cause d’une pipe mal contrôlée, on peut se faire piétiner. Youhou, elle nous dit qu’il y a forcément 3 places qui restent et nous les trouvent. Je me parque le premier, je ne sais pas où sont les autres. Je suis seul au milieu de mon voisin gros et de ma voisine la sorcière. La pub s’arrête et le film commence. N’imaginant même pas communiquer avec mes voisins, je suis en entretien privé avec Marie Jeanne, Daniel et toute la marmaille de l’oncle Sam. Les quatre protagonistes de cette vraie scène sont vraiment trop étranges. Ça sort de l’entendement. La saga a grandi avec les adolescents et c’est plus la même ambiance à l’école des sorciers. Harry devient vieux, j’ai quand même plus de poils de barbe que lui et même si comme un bon mouton j’ai lu tous ses bouquins, je me suis arrêté au deuxième film. Ils étaient pour les premiers, vraiment trop mauvais. L’ambiance est plus noire, c’est le dernier et c’est un moment triste dans l’histoire, mais les vieux clins d‘œil à la génération Facebook, c’est à la limite du supportable, ça donne envie de s’arracher les cheveux d’une grande poigné ferme. Mais ça suit la génération, il a grandi en même temps que ses fans, c’est l’idole ultime de la plupart de la salle et ça se trouve dans le public. Pourquoi ils seraient habillés comme pour Halloween, pourquoi ils ont tous une cicatrice au marqueur sur leur joue ? Ils sont heureux à en chialer, ce jour c’est l’aboutissement de leur culture de merde et la fin d’une partie de leur jeunesse. Harry va bientôt buter Voldemort et pourra vivre pépère. Mais que vont-ils faire sans lui ? On peut imaginer une sitcom à la friends, la coloc des sorciers ? On sait jamais, mais sa en réaiderai plus d’un. Et j’ai jamais vu une telle ambiance et unicité dans un ciné, bien pire qu’un 11 commandements le mercredi aprèm a Saint-Chamond. Tout le monde hurle en fonction du film, quand un méchant se fait buter on est tous content, quand y’a une scène cucu d’amour entre deux personnes qu’on a vu se tourner autour depuis 15h de films, on crillote comme des émasculés la bouche en cœur, quand un truc est pas drôle on rit quand même. Raaah si j’étais pas aussi enfoncé la tête sous mon siège et mes yeux traversant mes lunettes fixées sur l’écran sa m’aurai énervé. C’est moi ou la salle est complètement enfumée ? C’est surement moi, mais tous mes sens sont troublés. Marie Jeanne m’a complètement niqué, elle m’a rendue folle. Qu’est qu’elle me fait ? J’ai un sourire ébahi qui ne quitte pas ma face toute verdâtre. J’ai mes lunettes 3D, mais l’impression que le film est aussi plat que l’Angleterre. Je perçois la bande sonore trop classique assez naturellement, on se croirait au milieu d’un no man’s land. J’explose de rire dès qu’un ricain débile ouvre la bouche pour encourager un acteur, mais pleure ma race pendant la moitié du film. Trop d’émotions pures, trop de réflexion à plus de 65 miles par heures qui fusent et passent comme une soirée au ciné, trop de picotement dans les doigts pour n’importe quoi, trop de vibration dans tout le corps qui finissent dans les doigts. Pis ce navet ! Fallait bien que je sois autant défoncé pour trouver le moment acceptable. Que de la baston de magiciens inintéressante, pas d’histoire, du tout cuit tout le long, et le film doit durer deux heures et demie. J’ai pas vu passer le temps du tout, mais l’héroïsme à deux balles, le manichéisme absolu, ça suffit. Je ne sais pas quand ça s’arrêtera dans l’univers du Blockbuster américain. J’aurai adoré voir la gueule de Harry trainée dans la boue, cervelle éclatée et sur un gros son punk rock plein de décadence, mais ce jour saint ou l’on enlèvera sa naïveté au monde n’est pas encore là. Les applaudissements et hurlements fusent, les lumières se rallument, j’ai la gueule trempée. On se retrouve dans le hall, est en voyant Edg, pas besoin de s’expliquer, on éclate de rire. Je lâche que c’est l’expérience sociologique la plus intense que j’ai jamais vécue, ça lui plaît, l’expérience a dû lui être semblable. C’était une folle ambiance de cinglé. On en ricane et Cedrico nous regarde tristounet, il nous demande si on a bien aimé, on répond que oui c’était vraiment drôle, ça se voit qu’il est déçu. C’est sa culture d’adoption, pour lui le spectacle était vraiment super, tout le monde était dedans, pourquoi ils se moquent ces deux péteux ? Nous sa nous choque, d’être autant à fond avec un sorcier de romans. Petit froid. Il doit être 3:00 am aussi.
Plus de BART, on rentre en taxis. Silence pesant, Cedrico est dégouté de se coucher si tard. Il doit aller planter son boulot demain, dire aux handicapés avec qui il a sympathisé qu’il s’en va sa le pèse un peu. Le chauffeur de taxi à l’air normal et ne parle pas. Plein de bagnoles de flics et d’hélicos, à une heure aussi tardive, c’est pas normal. Cedrico demande au Taxi Driver, s’il sait ce qu’il se passe. Non. Cedrico à une idée. C’est le jour de la pleine lune, et énormément de mexicains se transforment en loups Garou. La voiture explose de rire, le chauffeur latino au volant discute avec Cedrico jusqu'à l’intersection Valencia/24th Street. On a oublié l’iPhone dans la voiture qu’on a garée dans des rues derrière. On s’amène vers ce qu’on se rappelle de notre voiture. La clef marche pas. On essaye de forcer, puis le doute arrive, non ça doit pas être la nôtre. Rue d’après, elle ressemble plus à ce qu’on s’en rappelle, moins classe. On a eu de la chance que l’autre n’avait pas d’alarme sensible. Oh my, trop de stress, on passe par l’escalier de l’arrière de la maison, et de retour à la chambre de Cedrico, je m’écrase dans le hamac. Cette journée a certainement été la plus folle, cool et déjantée des journées de ma vie
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