Levé pas trop tard car il faut se remettre de notre nuit moitié agitée et profiter du lit, mais aussi du p’tit déj offert. Les deux idiots de belges en ont déjà fait autant, solides. On descend les couloirs en moquettes de l’hôstel, et atterrie dans une cuisine bondée. On pinaille pour se faire une place, finalement on trouve un comptoir, face à une fenêtre donnant sur la rue et les buildings. Bien que le ciel est gris morne, le cadre est mignon. La bouffe c’est pas trop la joie, des ignobles Bagels aux olives avec du saint Morret style, même pas envie d’en voler un. Regret de baguette. Par contre je tire au moins trois pommes très quelconques. Je descends à la réception pour checker le monde et l’internet pendant qu’Edg se douche. Y’a une colonie de hollandais qui stagnent, avec que des belles blondes bien faites. Je suis hélas resté dans le pâté du réveil et n’envisage de lancer aucune discussion. Y avaient l’air chiants de toute façon, des blonds parfaitement pas drôles. Je remonte et fille le iph a Edgite. Je me fais chier, la flemme de me doucher.. Je me lance dans un de mes jeux favoris de marmot. Le matelas est en lave, il faut que je traverse les lits superposés sans les toucher. C’est technique, il faut faire un jeté, du dévers, des tractions.. Je fais quatre fois le tour et je suis crevée, transpirant sur mon ancien lit. Je suis encore rouge quand Edg entre et ne comprend pas, laisse bet’, c’est moi, j’suis pas très fin tu le sais bien.. J’ai tout de même rangé ses affaires, défait et pliée ses draps pendant l’attente. Les belges ont dégagé alors qu’on déjeunait, très pressé. Nous c’est notre avant dernière journée, et on commence à peine a bien saisir les tripes de la ville. Celle-là, il va falloir la rendre cool. Après avoir lâché une selle digne d’une chambre d’hôtel, on met les voiles. Dans le hall, Edg veut que je lui fasse un café. Je lui réponds, un peu vénère, que je pourrai même lui faire une pipe après. C’est vrai, ma réaction des un peu excessives, mais j’aime ne rien faire, surtout le matin, et j’ai fait des cafés pendant les horribles 5 mois de stage qui ont juste précédé le voyage. Puis il peut aussi bouger son petit cul. Petit froid.
Aujourd’hui, on va louer des vélos ! Quentin Yuste quelque jours auparavant, et Cedrico, nous on conseiller d’en louer et de se balader. On peut sortir de la presqu’ile par le Golden Gate, tracer jusqu'à Berkley, découvrir l’autre côté moins luisant de la Bay, puis rentrer avec les vélos en ferry à Fishermann’s Wharf et passer un bon moment. Sur la brochure de l’hôtel c’est pas donné mais on est là pour profiter, c’est la dernière journée. En allant chercher le magasin de location, on passe devant le Levi’s store. Edgard me demande d’aller le voir, ça changera de celui de Sainté. On entre, le magasin qui fait l’angle d’Union Square est immense. Sur quatre étages se trouvent l’endroit ou Claude Levi Strauss à commencer à vendre ses futals solides aux chercheurs d’or de l’ouest, et lancer cette image célèbre d’aventurier pommé en blue-jeans crade. L’étage 3, celui des hommes, on voit plus de vendeurs que de clients. Il y a pas mal de clients. Les actifs on à peu près notre âge, ils viennent tous te parler en se présentant, nom + secouage de main, te questionnant sur ce que tu cherches, te faisant la conversation et ose même dire des phrases telles que : ça, c’est pas terrible. Ya trois ou quatre vendeuses hyper chouettes ; et les sapes, je le reconnais, sont terribles. Pendant que Edg fait quatre fois le tour je regarde un tableau avec toutes les p’tites étiquettes rouges (ou non) pendant aux fesses des jeans, un autre avec les papiers marron froissés sous la ceinture, un avec plein de poches fessières. C’est drôle ce culte. On reste deux bonnes heures dans le magasin. Bilan des hostilités : Pour moi un T-shirt vert usé uni, un short coupé à la zeub en velours orange et une chemise a clip en jean.100$. Pour Edgard : Un pull gris en laine douillet et une chemise blanche/bleu. 130$. C’est pas forcement cher pour la quantité et la qualité qu’on vient d’acheter, mais c’est largement hors budget. On ressort du magasin, l’impression d’avoir perdu tout notre argent, on se cale une vieille roulée sur les marches. On dépensait sans être trop radin pour l’instant. Edg avoue qu’il savait qu’une chose comme ça devait arriver. Un truc qui te fait te calmer, à chaque fois qu’on ouvrira le portefeuille, on pensera à ce moment. On se serre la ceinture. Et on oublie les vélos.
On se rappelle qu’aujourd’hui c’est la marche contre le SIDA au Golden Gate Park. Gratuit, sauf le bus, ça doit être impressionnant avec tous les pédés qu’il y a dans la ville, et on pourra revoir Haight Ashburry sous un vrai jour. Il fait maintenant un soleil radieux et une température parfaite. On fait notre dernière marche dans le Downtown San Franciscain pour prendre le bus sur Market Street. On passe devant l’Apple Store d’où Steve Jobs a l’habitude de lancer ses nouveaux produits. Dans le car, on trouve pas mal de hipster, du coup sa se matte beaucoup. J’ai l’impression que c’est un peu ça leurs jeux. Je ne suis pas en archi, je les connais pas encore assez. On n’se parle pas du trajet. On sait pas trop ou on est, on s’arrête un peu au pif et on demande ou est le Park. On se retrouve dans une rue qui selon nous a l’air cool, mais je n’sais pas comment on fait pour ne pas entrevoir les smokeshops et autres indienneries. Un magasin de musique attire ma curiosité, je me promets d’y repasser. Un bar retransmet la finale du mondial de soccer féminin Japon-USA. Ici le soccer c’est un sport de gonze, ou de pédé d’Européen. Ya beaucoup de monde dans la rue. On achète de la bouffe à une petite épicerie, puis on tombe sur le Park. Sur l’immense étendue vide et fantomatique de notre premier jour présente une tout autre scène, des chaises et des petits stands éparpillés tout autour. C’est marrant, chaque marque vend son propre T-shirt avec la photo de l’event associé à leur propre logo. C’est plutôt discret et bien fait. Y’a vraiment pas à dire, ils sont vraiment balèzes en marketing. T’associes la marque à l’événement à but caritatif et plutôt tendance, tu te fais du coup une super pub parce que le T-shirt est portable, et même s’il t’a couté cher à la production, c’est pas grave. Un mec va retenir qu’il a filler 25$ pour le sida et on lui aura donné un T-shirt, il ne va pas savoir si 1$ ou 24$ seront versés à la cause. Tout le monde est content, sauf les séropositifs qui vont mourir.
On se cale sur les hauteurs toujours sans trop parler. On se repose pendant 20 min, moi j’aimerai bien qu’on aille filer quelques dollars pour la cause, Edg me rétorque qu’on a déjà beaucoup donné à Levi’s, on peut pas tout faire. Gush, je déteste quand Edg me parle d’humanitaire. Ça se voit qu’il a pas eu les mêmes parents que les miens ! Pour lui, on est encore jeune, on n’a pas forcement que ça à faire de nos sous et sa changera rien de toute façon. Une goutte d’eau dans le Furan. Mais si le Furan se dessèche, y sera content d’avoir sa p'tite larme de chacun. Ou si on a les moyens, son bol de pisse. On trimballe notre sac Levi’s, avec 250 $ de fringues dedans, on fait surement partie des cinq premiers pourcents de fortunes du monde, sa nous tuera pas. Ça n’arrange rien à la lourdeur de l’ambiance ; on quitte ces niais rêveurs pour marcher.
Le Park est immense, plus grand que Central Park à NY. Des gens jouent à l’Ultimate, au Baseball dans des grandes étendues d’herbe déserte. Il y a un peu de monde sur les chemins, même si Edg veut qu’on passe par la route. On arrive sur le parvis du De Young Museum, que Paul a étudié à l’école, un mouvement de classique joué dans une petite enclave égaye ce navire basculé. C’est pas mal, ça reste quand même chiant comme du classique. Dans le musée y’a une expo sur Picasso, mais c’est payant, je connais pas et d’un coup d’œil absent sur l’œuvre je suis pas fan absolue. On se glisse jusqu'à l’ascenseur et on monte à l’observatoire. Grande vue sur SF et ses collines, ses résidences, ses quartiers. Et sur l’océan pacifique, que nous ne connaissons pas encore. Pas un mot dans la tour, Edg commence à me saouler avec ses humeurs. C’est clairement lui qui bloque la conversation, il en est conscient, mais il n’a pas envie, putain d’enfant unique. Au bout d’un moment ça me saoule, j’arrête les efforts et fais 4 ou 5 fois le tour du panorama. Il y a un truc bizarre dans cette tour : un point précis où, dès que je passe, j’peux pas m’empêcher de lâcher une caisse qui fouette sa race. Lors mon dernier passage, il y a de grandes chances que je sois rodée, mais je m’en fous, y’a que des jaunes dans cet observatoire, ça me ferait rire s’ils me regardaient de trave. Edg lit des livres en expo sur l’urbanisme SFien, je fais un peu la gueule pour qu’on se barre, mais sa le touche pas. J’apprends dans un bouquin sur le graffiti que Mission est un centre important de la pratique. C’est super, mais on serait mieux dehors.
Une fois dehors, pas un mot de plus, ou peu. On retraverse le Park pour revenir à Haight. Le Sidaction est terminé, un monde de fou est mobilisé pour ranger la pelouse, pickup et fenwik grouillent. Ils sont organisés, et pas gai. Au milieu du pré, on croise James, de l’hôtel du premier jour. On hallucine de commencer à reconnaitre des gens dans la foule. On va se faire un macdo, sa fera du bien à l’ambiance. On propose de regarder internet avant, se cale trois secondes sur les marches à l’entrée de Haight, et une jeune arrive de suite et nous propose de la weed. Automatique dans cette rue, une personne sur trois est en train de rouler un blunt ou de le fumer. On se regarde 3 secondes. La beuh de Cedrico nous manque, mais on n’a pas l’habitude d’acheter comme ça, à la sauvette. Mais bon, vu l’ambiance.. On la suit et elle nous amène à son campement de junkie. On les avait repérés en passant. Ils sont calés dans l’angle qui sépare la route du parc, juste devant le chemin emprunté par tous les touristes. Ils peuvent pas être plus à la vue de tout le monde et ça ne semble choquer personne. Ma première question à un local fut : Vous avez pas peur des flics ? Non, c’est eux qui ont peur de nous, me répond-il. Même si je pense que c’est faux, je me demande comment ils peuvent continuer de les ignorer. C’est tellement gros et voyant ! Ils sont une trentaine, un tiers dort en plein soleil, un deuxième gobe ou fume et l’autre est en complète transe. On parle un peu avec notre dealeuse. Elle est rachitique, a le visage complètement bouffé et immobile. On devine qu’elle essaye de sourire ou de se montrer cool. Quand on lui dit qu’on est français, elle nous supplie de la ramener dans nos valises. Je pense que là-bas, ça serait semblable pour toi ma douce. C’est beau cette idolâtrie de la France, même si beaucoup savent que c’est bien biaisé. Elle sort un pochon d’un bonnet de son soutif bien trop vide, et met nos 20 biffes dans l’autre bonnet. Y’a pas grand-chose, mais on se sent pas trop de marchander. On a toujours avec nous notre sac Levi’s avec nos sapes chères dedans. Ici, ils doivent dépenser et gagner leur peu d’argent dans la drogue, nul doute qu’ils dorment dans les parages. Elle nous propose du bon acide San Franciscain, qu’on refuse. Un p'tit truc me dit que sa aurai pu être l’occaz, mais j’me vois mal lui en prendre ici, sa inspire pas la confiance et sa donne pas envie. Comment ces jeunes se sont retrouvés la, à vivre par et pour la dope. J’imaginais la jeunesse hippie squattant ici plus psychédélique, pas si junky. Des gens d’autres états surement. Que doit penser leur famille ? On n’en sera pas plus, personne ne nous a calculés. On ne se fond pas du tout dans la masse de sweat kaki et gris, avec nos lunettes de soleil de marque et notre air frais, mais tout le monde s’en branle. Avant même qu’on ait fini de rouler le spliff, la fille est partie pour continuer à travailler. On fume là, sans trop parler.
Devant nous, des mecs sont en train de sauter de barrière en barrière assez éloignée. Avant qu’il saute, Edg a vu le renoi plutôt bien habillé monter sa main en creux à sa bouche. La dealeuse revient avec un mec tout propre. Elle lui tend un truc, il en veut plus. Elle va en demander à sa copine et lui en donne plus. Ça doit être le spot connu ici, on aurait pu en demander plus. Et le spliff pourtant chargé léger nous met une grande baffe. Une fois fini, on a plus tellement envie de s’attarder ici. Sans rien dire à quiconque, on s’en va. En me levant, je constate que le mec qui dormait juste devant moi, sa copine sur son épaule, a un énorme sac de poudre blanche posée à ses côtés. À ma portée de main. Les indigènes m’auraient rodé si je l’avais juste tendu ? Je ne préfère pas savoir, j’suis peut-être pas aussi rapide qu’Indiana Jones.
On s’aventure dans Haight. Il fait toujours hyper beau, chaud, la rue est remplie, les gens semblent pour la plupart heureux. Bien meilleure impression que notre 1ere vision de Haight d’il y a déjà 5 jours. On peut supporter un simple t-shirt. On rentre dans une p’tite boutique sombre. Dedans, des scènes macabres exposées dans des petites cages de verres sobres, exposant des animaux empaillés dans des situations usuellement humaines. Des sortes de grimoires sont rangées sur des étagères au mur, ambiance taxidermie et sorcellerie qui hérisse nos poils. Des rats aristocrates se font servir de la soupe dans des cabanes campagnardes. Love to death. Un tour pour voir toutes les œuvres, les photos sont interdites et les prix sont chers. J’ai du mal à imaginer la tête du tordu qui tient ça. On passe à une p’tite boutique indo-hippie ou on achète des collants psychédéliques rétro pour Violette, suivi d’un Smoke Shop. C’est marrant ce genre de magasin, des énormes bangs en verre entortillés, des pipes de toutes formes, pourquoi n’y en a-t-il pas en France ? Ils ne vendent après tout rien d’interdit, et y’en a plein en Allemagne. On achète de feuilles BoB Marley pour Julie, des Raw pour nous. C’est drôle, le vendeur nous conseille de pas acheter les Bob, elles sont moins bien. C’est un attrape con pour touriste. Étonné du conseil, on répond que c’est pour une pote. Friperies géniales, même si c’est pas trop mon truc, et qu’on a déjà bien claqué chez Levi’s. Pas de cadeaux au Waste Land, mais Edg n’en revient pas que de tels magasins existe. La devanture est ornée d’un squelette de tête de buffle, avec de grands bois. De cerf donc. Je repère un T-shirt blanc très cassé à manche longue, proclamant PROUST ALL STAR, et un gros corbax dans le dos. Si j’avais dû ramener un cadeau à Alain, ça aurait été celui-là. Je réfléchis un peu à lui, j’arrive pas à déterminer s’il leur ressemble ou s’il est leur extrême opposé. Est que les SFien se construisent une personnalité, un style, et effectuent des actions en gardant en tête l’image à laquelle ils inspirent ou sont-ils de vraies gens ? Selon moi 2e option, selon le routard l’inverse. En tout cas je n’ai pas prévu de rapporter quoique ce soit à Alain. On refait quelques friperies, et je m’aventure dans le magasin de musique que j’avais repéré. Un vieux gratte les deux mêmes accords pendant bien trop longtemps. J’espère qu’il testait des guitares. Je cherche une méthode de sax ou d’harmonica, mais n’en trouve pas une de cool. Et c’est cher. On flâne devant la devanture du bar hipster de la dernière fois pour un p'tit tour sur le wifi. Toujours rien sur CouchSurfing. Là, deux jeunes qui ne se connaissent manifestement pas chantent les Beatles et accompagnent avec mandoline et guitare. On chante avec eux "For No One". Ils vivre peut être dans la rue eux aussi, ils ont le sourire. Ned, le pote de Cedrico qui bosse dans le vin, nous répond qu’on peut pieuter chez lui si on n’a pas d’autres choix, mais il habite à 1h au nord de la Bay, au milieu des vignes. Il a du taff et ne peut pas nous accompagner au Yosemite. Dommage pour lui. On redemande à Cedrico ? Allez, ça coute rien. Petit message un peu honteux, on verra bien ce qu’il nous répond.
OOn se met à marcher direction Dolores Park. C’est à 1 :30 à pied, en prenant son temps et en profitant du soleil. Sur la route, on remarque qu’on passe à côté de Castro. L’enchainement de ces 3 quartiers, Haight-Castro-Mission, est génial. Le quartier hippie, capitale historique mondiale de la contreculture, de la beuh, de l’amour libre, de la vie comme on aimerait l’entendre. Castro, le quartier de la tolérance et des pédés, de luttes sociales abouties, de la folie et du sexe. Et mission, ses Mexicains, sa bonne bouffe, un brin hipster, le graffiti, chez soi même pour un blanco. Je veux vivre entre les trois. On arrive au Dolores Park, rempli de personnes avachies sur la pelouse, lazy on a sunny sunday afternoon. Sa joue toujours au frisbee et au soccer, gratte guitare, ça parle, ça boit, ça fume, ça rit, l’ambiance est culturelle. On se cale au milieu de tous, on roule un spliff et on s’excuse de notre comportement tendu. Sa saoule Edg, mes réflexions sur les filles. C’est vrai, j’suis pas un chien, je sais pas ce qui me prend. Tout rentre en harmonie, on passe un bon temps à philosopher et à rire, comme à l’habitude. Edgichou chéri. Ces discussions me manqueront au sein du groupe de potes, quand elles ne virent pas au monologue. Il y a plein de vendeur de glace, bière, gâteau qui sillonne le Park. Y’en a une bien hippie babos, avec une pancarte. Je la lie pas, mais je ris parce que derrière il y a écrit « Donations acceptées », comme si tu allais lui donner du fric comme ça, alors qu’elle réclame. BIG LOL ahah trou du cul. Elle vend enfaite des cookies. Elle vient nous voir et nous en propose. Toujours avec notre sac Levi’s et les cadeaux dedans, on lui répond qu’on a plus de tunes. Là, elle s’assoit à côté de nous, vous savez les mecs, c’est pas important, ce n’est pas ça qui devrait contrôler le monde, la vie c’est bien plus non ? Elle insiste pour nous en donner un chacun. On réussit à la convaincre de nous en donner un pour deux. On les mange et ils sont super bons. « Les meilleurs » selon Saint Edg. On est choquée qu’une fille vienne de nous sonner sa marchandise. Le pétard fume. Puis la bab’s repasse en sens inverse. On lit. Il y a marqué THC sur la pancarte. La garce nous a refilé des space cakes, alors qu’on fumait. C’est une tentative d’empoisonnement là ! On lui avait proposé une latte sur le pétard, mais elle nous a dit qu’elle fumait pas. Trop génial, trop bizarre. Marie Jeanne nous rejoue son chant mental une gamme au-dessus. Ce Park est très grand.
Un truc se fait en Californie. Au lieu du traditionnel « T’as pas une clope a dépanne connard ? » on traduit ça par « can I buy a cigarette to you please ? » finalement c’est transparent comme transaction, sa fait chier personne, après si les personnes sont gentilles et veulent la donner c’est toujours bien accepté aussi. On vient de nous donner un space cake, que tout le monde semble appeler cookie ici, on donne gentiment une blonde au smokard qui nous lance cette requête. On parle avec lui pendant une bonne demi-heure. Comme tout le monde, il semble apprécier l’idée et les hypothèses notre voyage. Il n’est pas d’ici, de l’Oregon, je crois, et je n’ai aucune idée de son nom. Encore une rencontre éphémère, un mec qui se souviendra jamais de nous et qui restera ici ↓ dans nos mémoires. Ce jeune pirate, cheveux mi-longs, anneau d’oreille en or, tout de noir vêtu, nous donna des infos utiles. Cedrico nous ayant répondu, il a l’air effectivement énervé. Il nous a dit qu’on pouvait dormir uniquement par terre, qu’à 8am on dégage, et nous traite de petits cons de français, en résumé. On a finalement vraiment envie de taper notre première nuit dans la voiture. Et pirate nous indique le quartier résidentiel de la Pacific Highway, non loin de la fin du Golden Gate Park. Il a déjà dormi dans sa caisse à cet endroit et plusieurs fois. Le jour commence à tomber. On quitte Dolores, tranquillement en descente douce, direction Macdo. On a pas encore mangé le vrai fast food, c’est l’heure et Mission est le lieu parfait. Après les bons p'tits trucs typiques et pas chers qu’on a bouffés ici, il est l’heure de s’intégrer à la vraie Amérique. On teste chacun un Angus Pound différent, pas mauvais, la boulimie provoquée par le THC se réjouit de tous. Les petites french fries font les mêmes tailles que les grandes françaises, boisson illimitée, 6$ le menu. Pas de quoi se rouler par terre. En tout cas c’est super ghetto. On est les seuls blancs, vendeur et cuisinier compris. La salle est moche et sale, les chiottes sont fermées. Je retiens à une petite rue mon envie de pisser. Finalement assez nourrissant, même si la qualité n’est pas terrible, c’est bien moins cher, on va largement s’en contenter. On ne sait pas comment on va les user et les vomir.
Je suis persuadé que la voiture est là où on l’a laissé il y a deux jours, alors qu’elle est là où on l’a laissé hier. Peu intéressant et profondément débile comme réflexion, mais ça m’émeut. C’est pas moi qui porte la boussole. L’état s’empire, on sent descente et la fatigue guette. La voiture attend sagement à sa place, le coffre ne s’est pas fait défoncer. On se met en route pour le Pacific. 30-40 minutes de caisse à travers le parc de notre journée. Musique : Compilation US n°2, qui débute par Man Down de Rihanna, rythme reggae de la bombas de la Junk music du moment. Edg a décidé d’en faire la chanson du voyage, comme Madder Red des Yeasayer de l’année dernière. Puis Everybody’s got something to hide, except for me and my Monkey, des fous Beatles. Une chanson extrêmement bizarre, des percu super fortes, un rythme qui fait que de basculer, des paroles complètement benettes mais qui sonnent génétiquement rock’n’roll. C’mon C’mon, take it eaasyy yeah, ensuite vient les Guns of Brixton des Clash. Classique de Edg, qui m’a jamais trop excité, mais au volant d’une Chevrolet longeant le Golden Gate Park, c’est facile de se prendre pour un loubard. Pas question de dormir dedans d’ailleurs, sa craint trop, même si j’émets inconsidérément l’idée. Ce Park est vraiment d’une longueur infinie. On ne voit pas sa fin, la route bifurque pour se perdre dans les maisons. On roule toujours plein ouest. Enfin d’la bonne musique américaine quand arrivent les Creedance Clearwater Revival, avec un bon son du sud, Looking at my back door. Un peu country, qui monte par deux fois, et qui donne envie d’avoir une paille dans la bouche et un chien aimant a ses pieds. Fini les pédés, Gang of four, avec leurs guitares plus que dégueu, qui grincent et lâchent un son qui déhanche, At home he’s like a tourist, et son dernier complet ou se déchaine totalement la guitare, folle à lier. Les Dirty Projectors viennent nous bercer avec leurs voix de sirènes, pour un stillness is the move, qui est mignon tout plein sans trop s’éloigner des codes du rock indé. D’un coup, on arrive face à la mer. Le bout de la route pour beaucoup, pour nous la case départ. On prend le sud, et on longe la plage. Plus de maisons sur la gauche, on est seul sur cette route, le froid, la mer et le silence. Putain, comment font les gens de la ville sans S I L E N C E. Non loin de maisons, on s’arrête à un parking de plage. Y’a des gens dans leurs voitures. On veut pas savoir s’ils passeront la nuit ici, ou font d’autres trucs qu’on ne veut toujours pas savoir. Par peur de se faire détrousser, on se calera plutôt dans les lotissements. On monte sur une dune de sablé, et on contemple ce qu’on peut de la moitié du globe sous les eaux du pacifique. On ne touche pas l’eau des pieds, encore bien sous l’effet de la drogue donc aucune oppression souhaitée. Back at the Cavaliero, en cherchant bien on trouve le coin parfait ou se caler. Banquette arrière pliée, les sacs du coffre dans les creux de pieds des passagers, préparation des duvets. On roule un oinj, met la musique et on se couche. On a un peu peur des flics alors on reste discret au max, on fait pas claquer les portes, quand quelqu’un passe dans la rue on se cache, la musique est presque au minimum, on se demande même de quel côté il vaut mieux ouvrir un tout p’tit bout de fenêtre pour que s’échappe la fumée du spliff. On ouvre du côté trottoir, mais c’est pas la bonne idée. Quand les occupants de la maison garée devant notre voiture sortent de chez eux, on en a des sueurs, même malgré le froid. Ça rend vraiment parano ces bédo ! Je mets US1, spéciale Californie. Après la fin du Abbey Road des Beatles, j’avance l’album et on s’endort sur San Francisco, chanté par Maxime le Forestier. J’avais su juste avant de le voir à la fête de l’Huma que je lui devais mon prénom.
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