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Jour 10


Salle nuit ! Il a fait horriblement froid, la solution Sweet/Sac à viande/duvet a pas suffi à Edg. Depuis l’année dernière que je les aie achetés alors qu’il savait pas ce que c’était, il s’est toujours foutu de la gueule des sacs à viande. C’est vrai c’est qu’un con de bout de toile, mais moi ils m’ont mis bien, à part au niveau du matelas. C’est bien trop dur les dossiers de siège, faut absolument qu’on achète un truc aujourd’hui pour dormir dessus. Même sur nos habits on n’a pas pu passer une nuit reposante. On était surtout bien moins défoncé que pour notre première nuit de camping. Sorti de la voiture, on découvre la vue de la merde dans laquelle on a erré. Étendue de broussailles entre les lointains remparts de culture différente. Même si c’est une végétation désertique, c’est encore en très haute altitude. Premièrement, on trouve les Hot Springs et on finit notre nuit là-bas. Puis en milieu d’après-midi on prend la route de la Death Valley. Tout le monde nous a conseillé de la faire en fin de journée, trop chaud sinon. Il faudra checker à tout moment la température du moteur, s’équiper de bidon d’eau au cas où la voiture tombe en panne, ils estiment un gallon par personne pour être en sécurité. Pour ce soir on verra, faut juste tuer cette journée pour prendre la route plus tard. Encore dans le pâté et forcé de manger ces céréales au Cinnamon dégueulasse. On imagine que les hots springs doivent être vers les collines un peu plus vertes au fond, on se remet en route sur le chemin toujours pourri mais c’est moins décourageant avec de la visibilité. On passe sur un petit pont surplombant un marécage ou une décharge. Un pécheur improbable nous salue. On s’aiguille au hasard dans les quatre ou cinq intersections qu’on croise, longeant presque les collines, une autre intersection, un petit chemin en part. On réfléchit pas, c’est dans les collines qu’il faut prendre. La route est sauvage et les talus du milieu de la route adaptés à la taille 4x4 raclent le dessous de la voiture. Puis certaines raclent les flancs, pas tant à la taille 4x4, ça fait un bruit horrible, on hésite à avancer plus. Au bout d’un petit moment on s’arrête, ça fait vraiment un bruit angoissant, vaudrait mieux savoir si ça conduit quelque part ! On me charge d’aller éclairer au long de la piste, savoir si ça vaut le coup de poursuivre. J’enlève mon T-shirt, et dans la fraicheur d’un désert d’altitude a 9am, sous le soleil matraquant, je cours et vole sur ce petit chemin herbagé.

Sa monte un peu et je suis peut être partie un peu vite, mais j’ai toujours eu une condition physique plus qu’acceptable, même si je fume, bois et fais pas de sports réguliers. Au bout de dix minutes, j’arrive à une autre intersection. Je pense que c’est là-bas ! Je redescends tout gai, cette fois le soleil dans la face mais mes lunettes Persol que je viens de faire à ma vue me font tenir tête. Je vois nettement ces deux types de falaises géantes qui bordent ce désert de buissons. Arrivé à la voiture je ne sais plus trop pourquoi j’étais parti. On peut y aller mec sa passera, et je pense que c’est après. Edg me laisse le volant, sa racle, sa racle. Je me sens con. J’ai pas regardé les gros cailloux, les buissons sont toujours aussi hauts. Chaque nouveau bruit nous fout des frissons, les plus gros sursauter. Si on nike la voiture ici et maintenant..

J’étais aussi rapide à pied, et quand on arrive à l’intersection, on se retrouve con. Heureusement Edgard s’est pas mis à m’incendier. On va pas continuer si y faut faire demi-tour dans un quart d’heure. On arrive laborieusement à faire demi-tour dans l’intersection serrée, et on se retape la descente. Sa racle, putaaaaaain. On est vraiment heureux d’arriver sur nos vieilles bosses, on s’arrête un peu plus loin pour vérifier l’état de la cavalier, mais bon, rien ne pend dessous, la peinture a un peu pris et Edg à pas envie de rendre un cadavre à Manon qui va payer le même prix que lui. Moi je lâcherai 300$ tous compris, c’est pas si peu cher. Y’a pas mort de vérin, mais y’en a marre de tourner dans ce désert de merde a la recherche d’eau chaude qui puent le soufre. On va aller voir Mammoth Lakes plutôt, ça doit être joli. On passe devant une décharge du milieu de rien, avec un bulldozer et des centaines de mouettes qui l’habitent et le fuient, puis on retrouve notre sainte plate route de bitume et sa double ligne jaune.

Une demi-heure plus tard, on entre par une route à huit voies dans Mammoth Lakes, la plus grosse station de ski de Californie. Brad et Angelina ont un chalet connu. On s’en fout. On monte jusqu’en haut de la route surplombant la ville, passant à côté de lacs boisés magnifiques, on s’arrête en haut au milieu d’un chantier forestier. Corinne de Metronomy à fond comme deux petits gayzou au milieu de bucherons au regard de sève. On tourne devant une indication de rando qui nous amène à longer un autre grand lac, puis la route se perd dans un camping et en fond, son petit parking. On essaye d’improviser un sac à dos de randonnée avec brunch et bière, on imagine que les ours restent dans le parc naturel et on prend la route entre les mémés équipées, en tong et short de bain, Edg met sa serviette jaune à Donald Duck sur l’épaule. C’est un signe de grand randonneur. Montée en une bonne demi-heure, dès qu’on arrive en vue du lac se produit une attaque terrible d’une horde de moustiques qui nous fait faire un demi-tour paniqué, courant et écrasant. Pas pris l’anti moustique, naturellement, on se pose un peu en dessous, sur deux rochers au soleil. On est à côté du chemin, assis sur nos serviettes de bain, on souhaite une bonne marche aux vieux assez progressistes pour nous dire bonjour alors qu’on boit une bière en fumant et mangeant de la bouffe de merde, si tôt. Mais même en lisant un bouquin, on apprécie les montagnes et leurs combes enneigées qu’on voit entre les arbres.. On essaye de garder un œil sur l’autre pour le prévenir s’il a un moustique, on se scrute la peau toutes les trente secondes pour une fois sur deux faire éclater une petite flaque de sang. Pas grave, ça me fait toujours plaisir de buter des moustiques. Finit la bière, buté une centaine de parasites, on redescend en courant et doublant les mamies qui flash sur nos tongs. Au bord du lac qui longe la route. On s’installe à côté de pécheurs sur équipés, Edg s’endort tout de suite, j’essaie de lire mais ne résiste tout de même pas à l’appel de la serviette sous l’ombre mélangée des arbres et le clapotement du lac qui s’étend contre une lointaine colline ardue. On se réveille une heure et demie après, et c’est le moment de partir.

Sortant de Mammoth, Rihanna s’écrie qu’Everybody know to use her body, ça interpelle Edg. L’américain rentre. On continue enfin cette route qui descend au sud, le désert se casse et perd toute son altitude en un rien de temps. L’air devient brulant. On arrive à Bishop, dernier arrêt avant la Death Valley. On prend de l’essence et astique la cavalier avant l’épreuve du désert. On va à l’enclave commerciale d’à côté, so américaine, y’a un magasin de sport d’extérieurs. On cherche des Carimat mais le moins cher des matelas de camping coute 50$ l’un alors on abandonne. La traversée du parking coulant sous le soleil est pénible. On achète un surplus de provisions au supermarché, un gallon d’eau, Edg trouve des coussins pour chaises de jardin a 4$, si on en achète 4 on pourra se faire un matelas chacun. Adjugé. Au macdo internet, on prend juste un hamburger et un Sunday, les gens nous regardent bizarrement. On demande une prise, et les seules qu’il y a à chaque fois sont en hauteur, dans le faux plafond. On suspend donc l’iPhone au-dessus de notre table et on se renseigne sur Facebook. Feuilletant le routard, on apprend que Bishop s’est autoproclamé capitale de la mule, et y accueille un festival dédié chaque année. Y faut vraiment qu’ils créent un truc de spécial pour leurs villes. Faut dire, elles manquent tellement de cachet. Celle-là, on l’a observé du haut de la cassure du désert, c’est une tache verte dans le jaune du sable. La population du macdo à 4pm est chiante et semble s'endormir. C’est tout ce qu’il y a à dire sur Bishop. Une autre demi-heure tuée, à profiter d’internet et de la clim.

On continue la descente de la grande vallée. Big Pine, rien à voir. Lone Pine, pas mieux, tout de même au pied du mont Blakely tout enneigé, sommet du pays hors Alaska. On quitte la Freeway qui se déroule jusqu’à Los Angeles, direction l’est. La route est à deux voies, elle contourne une espèce de zone avec de petits étangs, dévoilent vite les fameuses lignes droites qu’on met une demi-heure à traverser à 65 miles à l’heure. On s’arrête au milieu. Le désert. On connait pas du tout ce type d’espace, beaucoup vu dans les jeux vidéo ou les films mais jamais foulé ces terres arides ou ne pousse que buissons et les branchages secs roulants au grès du vent et des rattle snakes. On prend des photos. La route monte dans les collines Pauluses. La roche devient rouge, une pancarte annonce la Death Valley National Park, here we are.

En haut de la montagne, un canyon est creusé, passe de la cassure de source aux falaises qui s’écorche et descend profondément mais on ne voit rien. On épie les plates conversations d’un couple de quarantenaires français qui se croient à l’abri de leur langue. Il fait pas si chaud dans les hauteurs, on prend la route qui descend de par nombreux petits virages dans les roches et se retrouve dans la cuve. La route la traverse toute droite, il fait chaud même si le soleil est en phase de se coucher. Le pare-brise est brulant. La route est droite, droite, puis passé de l’autre côté, elle remonte dans les collines. C’est marrant, dès qu’on change de milliers de pieds, ou 300m d’altitude, un panneau le signale sur le bord de la route. On vient de perdue 4000 pieds, ça fluctue assez vite. La route forme des montagnes russes, ça doit être un régal pour Edg d’y conduire dessus. Comme il va un peu vite dans les virages bossus, ça donne l’impression de voler. On sent la route redescendre, puis au loin apparait la vallée de la mort et ses troubles de chaleur visibles. Béni soit la clim, même si ça ne suffit pas à garder une vraie ambiance fraiche. Uniquement deux seuls villages en ces lieux, le premier est un camping sans arbres et une épicerie, qui même en France ne suffirait pas pour faire un hameau. On roule dans le sens de la vallée. On s’arrête alors qu’on franchit la limite des -86 mètres sous le niveau de la mer, point le plus bas des états unis. En sortant c’est comme dans un sauna habillé, on transpire instantanément. Derrière nous, toujours le mont Blakely, 120 km entre ces deux extrêmes. Suant comme des truies on reste pas longtemps dehors. Mon Dieu qu’est que ça doit être en plein après-midi. À Furnace Creek, ils ont déjà enregistré un 56.7° à l’ombre, record du monde de chaleur dans une ville, parait-il. Même en enfer, toujours un truc qui dénote.

À côté de la route, deux immenses dunes de sable, dû au croisement de deux courants de vents poussiéreux. On hésite à s’arrêter, mais on voudrait voir de jour le Zabriskie Point, même si l’on a déjà tous les deux vu la dune du pilât.. Le soleil rend le ciel entier rougeoyant, à l’image des roches. Le coucher de soleil le plus rouge du monde. On s’arrête deux secondes à Funrance Creek, un peu plus grand que Stovepipe Wells, au moins eux y ont un vrai hôtel. On pisse en vitesse sur son parking et on arrive au Zabriskie point, on n’a pas vu le film mais les dunes de rochers qui s’étendent comme une mer pourpre de sel sur cette vallée inhospitalière et le chaud toujours assommant nous éclatent les yeux. Le ciel s’éteint lentement en teintes de sombre rose, qui ne parviennent pas à nous faire profiter d’une vue claire. Edg et sa focale la plus ouverte arrivent quand même à prendre quelques photos. On peut pas fumer, on n’arrive presque pas à respirer. La masse de gens a commencé à partir avant qu’on soit arrivé. On se retrouve rapidement tous les deux sous les étoiles projetant nos vies sur la Death Valley. Ça ne nous dit pas où on va dormir, mais on va continuer la route un peu. Intenable ici. On est sorti de la vallée et continue à l’est pour Las Vegas. Arrivé au bled appelé Death Valley Junction, on réalise à quel point ça pourrait être fou d‘arriver ce soir dans la cité du jeu, qui ne dort a priori jamais. San Francisco on en avait jamais trop entendu parler mais Las Vegas on connaît ses légendes, on pourrait passer du vide total à une nuit démente, méchante bringue et folie. Direction le Nevada à fond et ce soir on dormira peut être dans un lit.

On quitte la Californie pour peu, notre nouvel amour, elle va nous manquer. Et presque volontairement synchronisé, on a plus de beuh ! C’est marrant le parc de la Death Valley, c’est le plus grand des états unis mais quand tu le regardes sur la carte, il s’arrête presque totalement à l’arrivé dans le Nevada, y’a plus qu’un mini triangle au milieu pour faire style, ça se voit que les deux états voisins ont pas les mêmes priorités. On va pouvoir picoler dans la rue à Vegas! La mémé hippie nous a parlé de la reproduction de la tour Eifel, comme on est frannçais. On voit des lumières au loin. On n’a pas réfléchi du trajet mais les 100 miles restants représentent une bonne distance. Edg émet de gros doutes, on va être vener crevé, on ne pourra pas dormir dans la caisse au milieu de la ville, il pense que ça serait peut-être plus intelligent de s’y attaquer en forme, demain. On va pinailler c’est vrai, et on sera de toute façon pas super funky. Les lumières qu’on voyait c’est enfaite Pahrump, une ville de merde mais qui nous sort de notre retraite de nature, ces lumières flashantes que j’ai jamais vu. San Francisco c’était soft sur l’agression. Là, des pubs crapuleuses pour des casinos, des devantures super allumées avec des photos étrangement souriantes, ça pourrait sonner étrangement vulgaire mais c’est étonnamment familier. Passé la ville, on prend un chemin de terre s’échappant de l’interstate. La température est bien acceptable, y’a un petit vent frais agréable. On s’arrête au bord du chemin avec les lumières des camions qui s’échappent. Un halo de lumière derrière les montagnes découpe bien ces formes aplaties et annonce la grande ville de derrière. Demain, on va se marrer. On s’endort dans notre camping-car de hamster, écoutant Sufjan Stevens nous raconter l’Illinois.

jour 11