Je fais trainer mon sommeil jusqu'à 11 :30am. J’ai vu la coloc se barrer et on pense que Georgie dort encore. Ça doit faire longtemps, y doit bien avoir à rattraper. On n’attend pas qu’il se réveille, Edg ne préfère pas passer la journée avec lui. Sur le routard on repère un resto indien qui vaut particulièrement le coup à midi donc on le définit comme lieu du petit-déjeuner. En sortant, pateux du sommeil sous un ciel grisonnant, on se perd dans le campus coincé entre l’océan et l’aéroport. Des bâtiments tours éparpillés, pas mal de chantiers en structure de bois. On passe devant la plage des surfeurs à la sortie du campus. Arrivé dans l’artère principale de Santa Barbara, on se dit que ça doit pas être très grand cette ville, quand même 800 mille âmes. Y’a beaucoup de stars qui y sont nées, Katie Mathiew, et beaucoup qui y habitent, Dicaprio, Costner, Alan Parson, et le feu Mickael Jackson avait construit Neverland non loin, son parc d’attractions privé qui employait 60 personnes à plein temps. Tellement stupide comme psychologie. C’est parce qu’il était ruiné qu’il s’est remis à faire des concerts et a pas tenu. Pression même pour les kings, y’a pas de raisons. Buffet all you can eat à 8.5$ le midi, pas grand monde, du soccer à la télé. C’est hyper bon, on se remplie au maximum et je réalise que manger indien ce doit être un peu une part de moi. Les plats épicés au poulet mariné que tu calmes avec les petits pains galette fourrés au fromage, les œufs tandoori avec du thon émietté aux épices, c’est tout ce qu’il faut. Quatre assiettes pour tout gouter, on va payer avec des douleurs au ventre.
De retour sur State Street, on se ballade sous le ciel qui tend vers le gris. C’est assez mignon, des petits bâtiments à la senteur espagnole bien prononcée et des bas arbres feuillus sur la route carrelée en rouge ocre. On fait quelques friperies, l’une décompense et passe du métal hurlant après un petit rock’n roll tranquille. On achète des roulées mais on trouve aucun filtre, les gens nous regardent en riant et pensant qu’on veut des trucs pour se droguer. Finalement on donne des sous qu’au Frappucino wireless de Starbucks. Faut lancer les demandes CS pour Los Angeles. On cible que sur Hollywood, c’est assez grand pour qu’on écrive à tout notre monde, de toute façon on connaît rien d’autre. On est un peu lourd, plutôt à cause du tandoori puisque la température est parfaitement agréable. Enfin plus cette horreur de chaleur Nevadienne. Comment peut-on supporter ça, c’est tellement mieux ici. Ça se sent vraiment qu’on est de retour en Californie, les gens autour sont détendu et font leurs trucs en souriant, bien dans leurs têtes, y’a des vrais artistes dans la rue, et des gens qui nous ressemblent, en plus épais. La rue passe sous un pont de Freeway pas hyper bien intégré et finit sur une immense jetée et la plage. Le ciel commence à aller mieux et c’est toujours plaisant de rencontrer l’élément maritime dans des vacances. Y’a une douzaine de bâtisse, capitainerie et resto et boutiques de souvenirs, des mexicains qui pèchent. Un gros poisson qui git par terre dans une mare de sang, il se débat un peu et dois souffrir, j’y connais rien du tout en mer mais je pensais pas qu’y’avais autant de sang rouge dans un poisson. C’est atypique comme endroit mais un peu trop couru et aseptisé, y’a des grosses bagnoles des années 50 américaines qui trainent sur le parking en planches. Des gamins remontent un crabe et en rigolant enlève l’hameçon et leur filent un coup de pied pour le remettre à l’eau. On se pose sur la plage et je fais ma première baignade dans les eaux les plus loin de chez moi, en caleçon marron avec des éléphants. Je reste pas trop parce qu’elle est hyper froide et y’a des algues dégueu. Pas non plus de serviettes, posé dans le sable sous le soleil qui arrive enfin, on construit nos tableau de sables abstraits puis on sieste et profite des lunettes de soleil teintées.
En s’essuyant les pieds à l’embouchure de State Streets sur la Pacific Coast Highway, on croise une famille bien gentille dont le fils arbore un joli t-shirt Saint Etienne Métropole. Un car remplie de Chicanos se vide. On part se perdre dans les ruelles calmes du village hispanique, c’est assez bien fait même si pas très comparable à Séville. On traverse une fête d’anniversaire où ça rigole pas, le cliché des costumes qu’on prépare un mois à l’avance pour faire indirectement rayonner son fils. Au CM2 de Saint Anne, on avait fait des déguisements pour le carnaval avec des sacs de farines et des boites en carton, par souci d’équité. Passant devant la vitre des toilettes publiques, je nous regarde dans le reflet, on commence à avoir des mines peu fraîches, on dénote peut-être au milieu de la fête avec nos vieilles roulées. Mes poils faciaux se mettent à pousser en ressemblant presque à quelque chose, ce que j’encourage. Retour à Golgotha, TV On the Radio, Interstate 1.
Georgéu est à l’entrainement de foot derrière chez lui, on s’étend sur la pelouse taillée à la serpe et regarde les sportifs jouer un sport à l’européenne, fumant des clopes et écoutant la musique du iPod. Le moldave est pas mauvais, il tire n’ importe où mais pose un jeu et semble assez technique. Quand on a parlé du sport, il a craché sur le Superbowl et Base Ball où il ne se passe rien du tout et il trouve que les Basket est un sport sandwich destiné à créer des pauses publicitaires. Le soleil se couche, les joueurs rentrent à la douche et Georgéu ne nous calcule pas. On rentre sonner chez lui et il nous assure qu’il nous a pas vues. Pour ce soir il nous propose bowling, après tout il faut au moins en faire un ici. Je sirote un Jack Daniels qui désigne Edg en conducteur prédéfini de ce soir, il râle de ce mode d’attribution. On descend chez son voisin de dessous ou un mec nous propose un bal country, en nous jurant qu’on s’y amuse vraiment bien. Georgéu n’a pas ce sens de l’autodérision et refuse pour nous. Le grand blond essaye de convaincre sa coloc chinoise de venir, qui est très jolie et semble avoir pleins de choses à dire. Finalement on y va tous les quatre et si on se pitre au bowling, on prendra un taxi.
Le ricain fait moins borné que ceux d’hier mais se fout quand même de la voix du chanteur de TV on the Radio. Il est content de monter dans notre voiture parce qu’il avait aussi une Cavalier 2001. That’s a very good car, even if it’s a very small one. Je comprends pas trop que tout le monde la considère comme un modèle réduit, elle a deux portes mais est quand même ultra longue, bien plus qu’une C4. Toute manière beaucoup de ricains crachent sur Chevrolet. L’endroit est à l’extérieur du campus, on attend une heure pour avoir une piste, on en profite pour boire des pintes. Une pour nous, quatre pour l’américain qui même si ce loisir est censé représenter un minimum son pays, se fait chier pendant la partie et perd. Le bowling c’est comme le pire des repas de famille conventionnel, je le fais parce que ça semble faire plaire aux gens et que ça me déplaît pas non plus mais y’a rien qui s’y passe, juste la fin quand t’as dû payer cher pour t’ennuyer. On à la piste une heure, je gagne la première partie ce qui énerve Edg presque fraternellement, et il est en train de se battre la tête avec Georgéu quand le temps est consumé.
On prend la route d’un mexicain célèbre car ouvert tard et commande un plat pour deux avec Edg, Georgéu nous dit que c’est conséquent, et le ricain mécano nous raille comme deux gay. C’est un établissement du campus, blindé de mex quarantenaires. Edg lâche un cri d’envie de fumer des pétards qui interpelle Georgéu. « - T’aimes fumer toi ? Hier t’as rien pris pourtant. - Ouai mais en vapo, j’aime pas quand je connais pas. - Ça c’est un truc que je peux comprendre, on va rentrer fumer. » On arrive vite et on a la tache de rouler le premier pétard. Edg me demande s’il le blinde et sans voir je lui conseille d’en rajouter. On sort fumer sur la coursive. Il a un sévère gout de vert et me décolle les pieds instantanément. Ce campus est un haut lieu de la bringue en Californie. L’été, seuls les motivés ont des cours pour finir la scolarité plus vite et les doctorants n’ont pas de vacances, mais Georges n’avait pas envie d’aller bosser donc il a pris sa journée, et prendra surement celle de demain. Mais durant l’année, y’a des sacrés party. Pour Halloween, Golgotha était complètement bouché et il était impossible de se garer à distance de marche du campus, y ont fait des feux de joie sur les routes et tout c’est fini en milieu d’après-midi du lendemain. Edg roule un autre pétard qui me met un coup de massue tel que je suis obligé de m’assoir, de peur de tomber de ma hauteur. C’est vraiment une frappe pas possible la weed ici, pas pareil qu’a SF dans le bang moite de Cedrico ou de la weed cheap de la junkie. Là c’est de la weed de savant. Au début Georges flippait un peu de fumer sur le couloir du campus, y’a en plus des lois qui interdisent de fumer quoi que ce soit à 30 pieds de lieux publics et des gens se sont fait virer pour ça, mais là il en a plus rien à foutre. Le mécanicien s’en fout aussi, il fume pas, et parle pas non plus. De toute façon c’est Georgéu qui nous narre et qui en débat avec Edg, moi je suis bien trop dans l’éclatement des bulles de conversations de toutes leurs subtilités jubilatoires et sans pouvoir rien trop extérioriser mes rebondissements. Et de toute façon les histoires sont captivantes comme un discours de film de Tarantino la tête immergée dans un bocal d’eau et encore plus folle que Edgar il y a trois ans.
Caltech, l’ancienne université de Georgéu est située dans la petite ville tranquille de Pasadena, au nord dans la banlieue riche de Los Angeles. Une des deux meilleures universités scientifiques du pays. Son prof de chimie lui avait relaté l’histoire de ses anciens élèves quand il entrait en poste au milieu des années soixante. Un groupe de jeunes chimistes brillants ayant entendu parler de ce dérivé de champignon de seigle qui commençait à faire du bruit dans le monde psychiatrique en créant toute sorte d’allumés découvrant le fonctionnement du monde, et montèrent un labo fabriquant du LSD. Ayant tout le matériel à disposition dans leur labo d’excellence, ce gentil groupe eut l’idée de camoufler intégralement un des box d’expérience, repeignant la porte, et le faisant disparaitre des documents de l’université, le rendant inexistant.. Comme ils étaient brillants, ils mirent au point un produit d’exception. Vendant leurs stocks au voisinage, la valeur de leur marchandise grimpa auprès des communautés fanas d’acide, et le produit devint la référence du LSD de la côte ouest, donc du monde. Un pur produit de la réussite intellectuelle des universités californiennes. En 1966 le LSD fut classé comme un narcotique et fut interdit sur le territoire. Le FBI se mit à traquer, et enquêta dans la tornade de Los Angeles. Les pistes de ce « Loyd, le meilleur acide de la côte », les conduisirent à Pasadena qui était déjà une bourgade sans histoire. Ils se retrouvèrent coincés, sans plus de pistes. Avant d’abandonner, quelqu’un regardant le plan de la ville et vu qu’une fraternité du Campus de Caltech s’appelait Loyd, comme les buvards. Les mecs sont allés jusqu'à appeler leur produit du même nom que leurs putains de club de potes. Sur leur dernière piste, ils interrogèrent le département de Chimie. Les responsables découvrirent assez vite l’absence de la salle et y trouvèrent le laboratoire le plus actif du monde, au sein de leurs putain d’université. Ils appelèrent les étudiants en leur donnant les deux jours du weekend avant de mettre au courant le FBI. Tout fut plié, nettoyé, dispersé, puis tous les étudiants de la fraternité achetèrent un aller simple pour Mexico.
Ce mec, fier d’avoir appris la chimie à de tels types, s’en vante auprès de ces élèves aujourd’hui. Georgéu en a pris trois fois et sait comment synthétiser la molécule. Il nous regarde dans les yeux en nous demandant, les mecs, y’a un magasin de dépanne de chimie qui est ouvert toutes les nuits, si on veut on peut lancer un labo de LSD ce soir même. C’est matériellement pas très dur, time consuming mais complètement possible. Il nous demande ensuite si on a une idée du volume de LSD consommé dans le monde en un an. 55 kg, selon les estimations. Transportable dans un sac à dos.
On rentre bouffer avec la foi du défoncé qui ne vit plus que pour ça, engloutie les deux tiers de notre plat de nachos sous ses couches de fromage fondu et purée de haricots rouges. Ça suffit bien pour le moment, on roule un autre petit spliff et le mécano s’en va. Weed toujours aussi défrisante. Georgéu repense à sa prof d’espagnole au lycée. Cette conasse m’a mis un B, je suis fort en langue pourtant ! Je parle couramment le russe, le moldave, l’anglais, l’allemand et le turc, et je suis bon en espagnol. - Mec c’est bien B aussi, pour un scientifique. - Non ça a changer ma vie, il faut que des A pour rentrer à Harvard et du coup j’ai même pas présenté mon dossier. - T’inquiètes t’as pas perdu au change. Un lunettard arrive, avec trois autres meufs dont une accroché à son bras. C’est un français, qui après son lycée en banlieue parisienne a fui à l’USB, nous raconte-t-il. Assez sympa, quoique ça veuille dire dans notre état. Il fume un peu sur le bédo. Il fait une soirée demain car il a fini son undergraduate et rentre en France. Il ne se voit pas ne pas revenir faire sa vie en Californie. En France, comment pourrait-il se balader au bras d’une si jolie fille, et qui malgré son ébriété apparente à l’air loin d’être coconne, faire une bigass party pour son départ, avoir la vie d’un mec cool, la vie qu’il veut et qui lui est due ? Il ne le dit pas mais c’est très sous-entendu. Ou alors je n’entends plus que ce qui flotte dans mon cerveau. Ce qui se dit est bien trop haut pour ce que je pourrais y apporter, et ça me donne presque le mal de mer, comme si j’étais sur un matelas en bois au milieu d’un feu d’artifice qui explose des montagnes, des films comiques, des fables d’enfance, de la lumière de lampadaire en diamant, un soleil nocturne projetant ces lampadaires, et l’hilare chapeautant le cocktail de tous ces sentiments. Monsieur cool s’en vas et nous propose de venir à sa soirée de départ si on est encore par là. Très bien cousin. Je ne fais plus que penser des rêves insensés et visuels quand je me serais rendu compte qu’il y a déjà très longtemps que je ne fais que ça. Quand je repense à l’Edgar que j’ai connu il y a quelques années en fin de lycée, je ne peux imaginer que ce soit la même personne en face de moi. Il a tellement évolué. Je me rends d’ailleurs compte qu’il m’a dépassé et j’en suis très content. Même si ce raisonnement impose pour moi de rentrer dans ma cave. Je me dirige à tatillon et le dos vouté vers notre espace de vie, cherchant quoi chercher, et je tombe nez à nez avec le plat de plastique rempli du reste de nachos. Je vais en prendre un peu, pour regouter. C’est bon ce truc, j’y prends gout, et toute action répétitive et plaisante est bonne à prendre. Ça sert à oublier de penser, et je pense peut être que la plénitude vient par la, parce que là je me retrouve à l’état animal et je ne peux m’en apitoyer puisque je n’en ai pas conscience, jusqu’à ce que Paul entre dans le salon et que Putain max t’as finit tout le nachos t’abuse, et que je me voie à quatre pattes au milieu du salon, la gueule dans le plat à me goinfrer avec les doigts, sans pouvoir articuler un son autre qu’un grognement, meerde jé pa pensé zolé, je ne me vois plus que comme un porc qui va pouvoir dormir les quatre pattes en l’air et qui n’aura pas le temps d’en faire autrement.
La nuit fut cérébralement très très agitée, plusieurs films avec différents protagonistes, pour certains très connus, et moi en personnage principal qui, dans ces situations, était quelqu’un de bien.
c'est tout pour le moment