11 :00am. On aurait bien profité de dormir dans un vrai lit un peu plus longtemps mais ces connards de portos ont décidées de se lever et on peut que faire de même avec le bruit qu’ils foutent. Je crois qu’y a eu du bordel cette nuit, y’a un mec avec l’épaule et le bras tatooé qui est écrasé dans un autre lit mais j’ai pas trop le temps de le voir. On descend à la cuisine est l’heure des pancakes gratuits est terminée. Encore ces interminables céréales au cinnamon.. Aujourd’hui on va pas trop se forcer. On se pose sur les transats de la piscine avec le nécessaire. Je fais un signe de tête qui est interprété par Cheval et Quasi et je vais m’assoir à côté de Lucie. Elle nous demande si on va refaire la sortie en boite ce soir, ça va être picole dans une limo, photo devant le « Welcome to the Fabulous Las Vegas », puis club dans la haute stratosphère avec la vue. Ce soir on va voir Línea jouer dans son festival, dans une petite ville à 15min de Las Vegas, un bled appelé Blue Diamonds, mais même sans ça la soirée d’hier aurait largement suffit. Point trop n’en faut. Pas trop de gueule de bois pourtant. On discute, lis, bronze, elle a un maillot de bain violet, et on va se rafraichir quand il faut.
Deux heures de glande nous donnent une grande dalle et la flemme d’aller loin, on va tester la pizzeria ghetto à côté de l’hôtel. Pièce dévastée, pas même la clim. Une collection de ventilateurs de style bien ricain au plafond, un sur deux marches et deux ampoules sur trois sont pété, y’a un ATM d’il y a 15 ans avec une couche de poussière impressionnante, pleine de petits carreaux de mur fenêtres manquent et le menu en petits caractères noirs et collables sur fond blanc sale (typiquement américain, presque une pancarte pour dire que l’endroit ne cherche aucunement à être attractif), affiché au-dessus du comptoir, plutôt de la lucarne assez étroite pour ne faire voir que la tête du cuisinier. C’est cher. On se pose et fait l’état des lieux sur les personnes bof qu’on a rencontré, sur cette ville étrange, et sur notre presque baston d’hier soir. Beaucoup de trucs à dire, on reste même dans ce taudis pour manger. Une tox ultra maigre, marchant pas droit, vient récupérer un paquet, le cuistot a une vraie tête de dealer crapuleux. On est bien sûr seuls, le mec qui s’amusait du billard défoncé est parti. Pizza aux ananas pas dégueu, on retourne le ventre pété à la piscine.
Je me fais harper par Cheval. Elle veut profiter de noter voiture pour aller au Grand Canyon, je réponds à côté mais aucune intention de l’emmener là-bas vu qu’il est plus loin dans notre programme et que faire une activité avec ces filles pas du tout drôles me redonne presque des boutons. Elle veut savoir si on peut les emmener à L.A. Elles quitteraient Vegas mardi matin, et pourraient nous payer pour la course. Ça ferait deux nuits de plus à l’hôtel pas chère, histoire de se reposer et de s’amuser, pourquoi pas ? Quatre jours ici, c’est peut-être beaucoup, mais ça nous fera un peu d’argent. Je réponds à côté aussi. On ne fait absolument rien jusqu’à 4 :30 pm, on voit Gras et ses tatooages passer plusieurs fois. Il est balourd, mais on rigole bien de et avec lui. Il voit que je lis Shantaram, me raconte l’histoire du mec qui est marquée sur le dos du livre et reviens cinq minutes plus tard avec, incroyable, un livre ! Y’a une kalash et des rails de poudre sur la pochette, okay, ça parle de l’autogestion d’une prison colombienne, mais c’est quand même un livre. Je le remercie tout en sachant que je le lirai pas puisqu’il est de la bibliothèque de l’hôtel et en anglais, mais ce Gras, il me surprendra toujours. Passant par l’accueil j’entends Beaufdef en train de trasher « ces puceaux de portugais » devant quelqu’un qui n’en a rien à foutre. Blue Diamond à peu près repéré sur la carte, on se fait beau et on quitte l’hôtel, et se pomme complètement dans les pavillons de Las Vegas.
On est un peu passif aussi. On est passé à côté du Strip et par faute d’attention ou d’initiatives ou d’intérêt pour la ville, on s’est perdu dans les quartiers résidentiels, passant devant des malls déserts, des maisons à la pelouse verte. On s’arrête sur un parking de Fast Food pour demander notre route à un regroupement de poulets. Comme c’est moi qui me suis tapé d’aller demander à Beaufdef les clefs pour ouvrir le portail, c’est à Edg d’aller leur parler, ça m’arrange parce que j’ai jamais été tranquille face à eux, et même si on a fini la weed, je fume une roulée en écoutant le Revolver des Beatles, j’en suis pas tranquille. Edg revient un quart d’heure après, il s’est un peu fait emmerder. Qu’est que deux Français vont foutre à Blue Diamond ? Il a dû raconter l’histoire, qui regardait absolument pas le condé. Il a quand même les directions et c’est pas là du tout, c’est même loin. On y va ou pas ? On n’a pas bougé pour rien. On descend Charleston Boulevard pendant vingt minutes, puis on se retrouve à côté de l’aéroport et des buildings fantaisie du Strip. We took south instead of north. On se repose la question, on y va ou c’est le signe qu’il faut rentrer ? Demi-tour et re même grand boulevard vide. C’est chiant de conduire dans cette ville, obligée d’avoir la clim à fond, y’a des feux de partout sur les grands axes remplis de centres de magasins immenses dont on se demande l’utilité des trois quarts. À la fin du boulevard, on retrouve les indications du flic et sort de las cuidad, en plein désert aride. Le tranquille Meedle des Flamands Roses glisse dans la voiture alors qu’on passe entre les montagnes séchées d’où la roche rougeâtre cisèle le ciel bleu, les valons arides, les broussailles jaunies. Vingt minutes après apparait le premier signe de vie humaine, Blue Diamond sur la droite. Une pancarte à l’entrée proclame « NOT A RECREATION AREA ». On est prévenu. C’est un trou de verdure où chuchote un ruisseau. Décrochant follement au géant désertique sablé et atterré sous le soleil haut, brule. C’est un petit village qui pue l’Amérique. Il doit pas y avoir plus de 300 habitants et on est surement les premiers Français à y foutre les pieds.
Il y a personne sur les chemins terreux qui étaient autrefois en bitume. Un vrai groupement de petites maisons blanches immaculé présentant des pots de fleurs et des jeux d’enfants sous un tapis d’arbres et sur une pelouse très verte. On se gare sur un bout d’herbe qui semble approprié, du bruit sort d’un demi-cylindre bardé de tôles rouillées qui doit servir de gymnase. Deux gamines sorties de nulle part s’enfuient dedans. Mon tour, je pousse la porte pour renter dans une salle des fêtes très sombre en pleine envolé de jazz. L’entrée est à côté de la scène, on se retrouve en face d’une cinquantaine de gens parfaitement sérieux, assis sur des chaises qui nous dévisagent. Trop gêné, heureusement qu’on n’a pas fumé. On a repéré des photos eucharistiques sur le facebook de Linnéa, on prend un peu peur. Finalement elle nous repère vite et nous saute dessus. De par sa réaction elle devait penser qu’on ne viendrait pas. Le groupe s’arrête de jouer dès qu’on se hug, causant un petit blanc, et le jazz repart sur un dernier morceau. Monté intense, puis break, puis remonté, puis trois fausse fin, le morceau dure un quart d’heure et les musiciens sont tous très bon et savent jouer ensemble. C’est beau la vraie musique parfois, et c’est peut-être plus encore réjouissant d’avoir pu l’apprécier. La grand-mère du chef du groupe de Linnéa, Aquadeer, habite ici et c’est la deuxième année que ses habitants organisent un festival d’art en tous genres. Y’a une peintre qui affiche ses tableaux au mur du gymnase, c’est kitch mais certains trucs sont intéressants, mais j’y connais rien. Beaucoup de gamins qui boivent de la limonade, quelques jeunes tatooé et dreadeux, majorité de vieux qui nous regardent moitié amusée, moitié qu’est qu’ils font là ces étrangers qui viennent de la ville. Le couple qui organise ça est tout habillé en blanc, robe et pantalon/chemise large, ils sont très beaux. C’est bien trop parodique de la vision du village communautaire lissé et pur, à deux doigts de la ville du péché. Même si organiser un festival d’art multiple colle pas parfaitement avec l’église blanche et sobre qui trône à l’écart du grand terrain de gravier en dehors, c’est peut-être une petite ouverture d’esprit ? On sort fumer une roulée, que la dame à robe blanche doit prendre pour un joint. J’arrête pas de l’imaginer en porte-jarretelle noir, elle a un visage fin et sec sous de longs cheveux blonds. On parle aux jeunes, y sont pas enflammés du tout, y doivent tous être en étude d’art. Y’en a un qui s’appelle Taz, je lui dis que ça veut dire ecstasy en français et c’est pas forcement approprié. On rentre, la Vierge nous propose une part de pizza et nous dis après que c’est 1$ la part. Don à la communauté, elle est bien trop sèche. Le spectacle commence, un one man show ou le mec met direct la pression en gueulant comme un roquet dans son micro. Il taille un sujet, puis un autre, puis un autre, au bout de cinq minutes ça m’intéresse plus et je m’endors sur ma chaise.
Il a duré une heure à parler tout seul, en gueulant pour rattacher les égaré, se jetant par terre, il a l’air super pédant et m’a fait passer une mauvaise sieste. Dehors pour la roulée, il fait nuit, Edg qui a suivi souligne le caractère spécial qu’il faut avoir pour raconter des blagues pas forcement correctes devant une communauté wasp, ce pendant une heure continue. Une fille répète son spectacle de danse devant nous. Le prochain show commence, c’est de la poésie, on y va pas. On ne comprendra pas de toute façon. Puis au bout d’une demi-heure, on se fait chier, on rentre en plein milieu du show ou un gros gueule théâtralement des vers, très vivants. Regards de trav +1. Ça dure pas, puis après une dernière pause clope on rentre voir le groupe de Linnéa jouer. Trois guitares acoustiques et Linnéa est sur un cajon. Ils commencent avec une pop berçante, Linnéa à une voix très douce et très belle, elle est en musicologie et on remarque tous les deux en même temps qu’elle est surement lesbienne. Le chanteur principal se la racle beaucoup trop, à une voix pas terrible. Déjà dehors il m’avait fait cette impression. Okay il arrive à écrire et ça sonne, et il sait chanter en jouant de la guitare, mais c’est pas pour autant que c’est le Nick Drake du désert. Les balances ne vont pas du tout et la pièce est pas faite pour ça. Pourtant le Jazz était bon. À la fin du set il lâche un, « okay là on va faire une reprise, personne doit connaitre mais c’est de Elliott Smith. » euh L O L ou on fait plus gamin ? Ils entament Sweet Adeline, sans trop de folie mais bien exécuté, Linnéa à une jolie voix. Ils finissent en bœuf, puis Dylan part tout seul dehors. Je materai ses pages, il a cinq fans sur facebook et sa description est aussi simple que DYLAN MAKES GREAT SONG. Pourquoi personne n’écoute donc ? Je ne m’attarderais pas plus à tailler les petits groupes qui rêvent d’être des génies de la musique avant d’avoir écrit treize chansons pourries et que je me taperai des concerts ou personne ne vient. On dit à Linnéa que c’était super mais qu’on va rentrer chez nous, rester dans cette ambiance de veillée nous a sonné et pas la fois d’y continuer. Mais ce calme dans le tourbillon de débilité de Las Vegas a été très appréciable. On lui dit de nous contacter si demain ou un autre jour ils descendent en ville, mais elle m’assure qu’il n’y a aucun risque.
Du village derrière la montagne on voit le rayon de lumière qui sort de la pyramide du Louxor. La lune est encore forte et le cd passe à Dark Side of the Moon, facile. On aurait bien aimé grimper sur un petit pic rocheux sur le bord de la route, mais on a peur des serpents à sonnettes et on est trop calme pour un effort physique. On atterrit dans le même boulevard, désert. Vegas ne dormait jamais. On doit prendre du gaz, le gros tatooé nous apprend comment payer en cash à la machine et comme le supermarché d’à côté est ouvert on en profite pour faire le plein. Une grande enseigne, il est onze heure et c’est encore ouvert, enfaite on regarde les horaires d’ouverture et il trouve une pancarte disant que ça ne ferme jamais. Y’a presque personne dans le magasin, qu’elle est l’utilité de le garder ouvert toute la nuit ? Quel besoin y a-t-il à combler ? Enfaite cette ville c’est créer elle même son besoin, c’est pas croyable comme endroit. Pourquoi ces deux millions de personnes vivent-elles au plein milieu du désert, dans une chaleur dégueulasse où il y a rien à part une rue de casino ? Le routard nous a dit que c’était originellement grâce à une loi particulièrement permissibles pour les divorces, et qu’il fallait bien occuper les maris adultères. Voilà la ville du vice, une putain de rue qui ne reconnait que le fric et qui pue le délire pas cher et la pigeonnerie pour les pigeons, un ancien Downtown qui même lui a été dépassé et deux millions de pommé du dollar qui sont je pense tous venu à la base pour se faire de quelque moyen un une vie de gains, qui ont du s’inventer une occupation autour. Et ce qu’on a traversé cet après-midi, les maisons à piscine et à pelouse verte, c’est ça qui prend toute l’eau de la région. Un casino peut bien avoir quelques fontaines, aussi mégalos soient-elles, c’est pas si grave, mais tout ce monde peut pas vivre ici. C’est pas dans la nature du lieu. On retrouve facilement la route, de toute façon le Strip et ses néons sont visibles depuis partout. Arrivé à l’hôtel, seul dans la chambre, on se couche tranquillement à l’image de notre soirée pour une nuit reposante.
5 :00am, les portos rentrent de boite. Ils allument les lumières et parlent fort comme si on était pas là. Moi ça m’importe peu, pendant les nuits ou je suis sobre de tout je dors jamais vraiment donc ça fait un entracte marrant, voir comment ils ne calculent absolument rien de leur entourage. Ils ont même pas l’air raides. Et ça dure ! Au bout de dix minutes, Edg lance sur un ton bien fâché « you know you’re not alone in this room ? I’ve never seen that it’s crazy ». Instantanément les lumières s’éteignent et plus un bruit. Le moins con des trois lâche un « sorry » en chuchotant et plus personne n’ouvre sa bouche. Ils sont vraiment cons à un point rare, ces portos.
jour 13